� � ALLER A LA TABLE DES MATI�RESDE NONNOS
Nonnos ,� Dionysiaques CHANT XXXVII. Relu et corrig� Oeuvre num�ris�e en collaboration avec Marc Szwajcer
� � � |
NONNOS � DIONYSIAQUES � CHANT TRENTE-SEPT� C�est ici le trente-septi�me livre : l� sont les jeux fun�bres, les guerriers athl�tes, et les r�compenses de la lutte. Cependant les Indiens, devenus sages, donnent leurs soins � l'amiti� , et, livrant aux vents de l'oubli la guerre que leur fait Bacchus, ils ensevelissent leurs morts; mais ils ne les pleurent pas, car ces morts �chappent aux cha�nes terrestres de la vie ; et, retournant d'o� elles sont venues, les �mes reprennent dans l'ordre circulaire leur rang primitif (01). L'arm�e de Bacchus se repose. Le dieu, � la faveur de cette heureuse interruption du combat, h�te, � l'heure matinale, les mules, et les hommes qui les accompagnent; il veut qu'on apporte les bois que nourrissent les monts, et qu'un b�cher consume les restes d'Ophelte qui n'est plus. Phaunos guide les guerriers dans la for�t de pins; il est accoutum� aux demeures de sa m�re, la montagnarde Circ�, il a l'exp�rience et le go�t des bois solitaires. Le fer du b�cheron abat les arbres par rang�es ; nombreux sont les ormes qui tombent ses l'acier au large tranchant; nombreux les ch�nes au branchage �lev� qui r�sonnent en roulant sur le sol. Les pins se couchent, et les m�leses s'inclinent en foule sur leur feuillage dess�ch�. Les collines se d�pouillent peu � peu des arbres divers qu'on abat. L'hamadryade exil�e s'�chappe sans �tre vue, et se m�le aux nymphes des fontaines qu'elle ne conna�t point. Les hommes, en nombreuses phalanges, se rencontrent, se croisent et suivent les sentiers divers de la montagne ; on les voit descendre � pas multiplies, et cheminer obliquement dans les penchants des hauteurs ; puis, liant les bois press�s ensemble, de cordes bien tress�es dont ils ont pr�par� les noeuds, ils les placent sur le dos des mules. Celles-ci h�tent leur marche r�guli�re ; leurs pieds retentissent sur les routes de la montagne ; les branches qui p�sent sur leur croupe et qu'elles tra�nent, soul�vent derri�re elles le sable et une �paisse poussi�re (02). Les satyre et les �gipans s'empressent ; les uns portent dans leurs bras infatigables les souches des arbres que leurs haches ont successivement coup�es, et bondissent de leur, pieds fol�tres sur les rochers; les autres, citoyens des for�ts, rangent les bois sur le sol o� Bacchus a voulu que soit dress�e la tombe d�Ophelle. Les guerriers des divers pays se rassemblent autour du b�cher. Le ciseau des fun�railles a tranch� leurs cheveux en signe de deuil (03); ils se pressent alternativement autour du cadavre, sanglotent, et l�ombragent en entier de leurs boucles amoncel�es. Bacchus pleure de ses yeux �trangers aux larmes, et d�un visage qui ignore la douleur; puis il d�tache un anneau de son intacte chevelure, et d�pose ce don sur Ophelle. Les serviteurs id�ens du dieu des montagnes dressent un b�cher qui a cent pieds sur toutes ses faces; ils couchent le mort au milieu. Autour du cadavre, Ast�rios l�ve le glaive montagnard de Dict�; il range en une sorte de cercle press� douze Noirs indiens dont il tranche la t�te (04); il y place aussi des amphores de miel et d�huile. Puis des g�nisses et des brebis en grand nombre sont �gorg�es devant le b�cher; il entoure le cadavre d�une couronne de b�ufs et des rang�es des chevaux qu�il vient d�immoler. Enfin il retire toute la graisse qui s�en �coule, et en recouvre le cadavre, auquel il forme ainsi une onctueuse ceinture (05). Il fallait du feu. Phaunos, citoyen des plaines de Tyrrh�nie, le fils de Circ� l�amie des rochers, l�habitant des d�serts, que sa m�re a instruit des ressources des champs, d�tache d�une roche les pierres qui rec�lent la flamme, ces instruments de l�industrie montagnarde � qui la foudre, en tombant du ciel, a confi� les traces de sa victoire, Il r�unit les restes de ce feu divin pour allumer le b�cher fun�bre; puis il oint d�un soufre fulminant les noirs cit�s des deux pierres g�n�ratrices; il aiguise ensuite comme un clou une baguette de bois de l��rythr�e, l�introduit entre les deux cailloux et les frotte de tous c�t�s l�un contre l�autre, mariant ainsi la femelle au m�le, jusqu�� ce que le feu cach� dans la pierre �clate de lui-m�me; enfin, � l�endroit o� la paille est plac�e, il l�introduit sous le b�cher, Et cependant le feu allum� ne court pas autour du cadavre. Alors le dieu, tendant son regard vers Pha�ton qui brille en face de lui, appelle Euros, le vent oriental, son voisin, et veut qu�il excite contre le b�cher des souffles secourables. H�osphore, qui n�est pas loin, a entendu l�appel de Bacchus, et lui envoie son fr�re pour animer d�un souffle plus puissant le feu qui va s�enflammer. Le Vent quitte aussit�t le palais de rose de l�Aurore sa m�re, et ravive pendant la nuit enti�re l�ardeur du b�cher; excit� et nourri par ce souffle, la flamme s��lance et des haleines imp�tueuses en font jaillir l��clat dans les airs jusqu�aupr�s du soleil. A c�t� de Bacchus en deuil, Ast�rios de Dict�, dont le sang s�allie � Ophelle, verse la coupe de Gnosse � deux anses pleine du vin le plus doux et le plus parfum�, et enivre la poussi�re du sol pour honorer le fils d�Arestor et son me qui s�envole. Mais aussit�t que l�aube avant-courri�re du char humide de l�Aurore dentelle la nuit de ses teintes rougissantes, tous accourent et viennent de leurs coupes successives �teindre sous la liqueur de Bacchus le b�cher de leur compagnon. Le vent brillant s�est retir� sur ses ailes rapides vers la demeura �clatante du Soleil; Ast�rios recueille alors les ornements recouverts d�une double graisse, et place ces restes dans une urne d�or. Les corybantes tourneurs (06), qui sont all�s habiter l�Ida, creusent un tombeau, et dans les flancs approfondis de la terre, ils ensevelissent ce mort, citoyen d�une m�me patrie, qu�animait le sang national de la Cr�te; ils jettent la derni�re poussi�re d�un sol �tranger sur Ophelle, �tablissent sa tombe sous un haut �difice, et, sur ce monument de leur douleur r�cente, ils inscrivent ces mots: ��Ci-g�t le fils d�Arestor, Ophelle emport� si vite. Il �tait de Gnosse, il immola les Indiens, et fut le compagnon de Bacchus.�� Le dieu de la vigne apporte alors les pr�sents des jeux fun�bres; il assemble ses troupes, forme � l�endroit m�me une vaste lice, et fixe la borne de la course des chars (07). L� se trouvait sur la terre une pierre �gale en largeur � trois coud�es, arrondie en demi-cercle, image de la Lune, polie sur toutes ses faces, telle qu�un vieux sculpteur l�e�t pr�par�e de ses mains laborieuses pour en faire une sublime statue. Un monstrueux cyclope l�enl�ve, la dresse sur le sol; et, en pendant de cette borne de pierre, il place vis-�-vis pour l�accompagner un autre bloc tout pareil qu�il y enfonce. Les prix du combat varient; ce sont des vases, des tr�pieds, des boucliers, des chevaux, l'argent, les m�taux indiens, des b�ufs et le limon du Pactole (08). Le dieu d�pose les r�compenses de la victoire pour� les �cuyers; au premier il destine l�arc, le carquois, le demi-bouclier des Amazones et Ar�iphile la guerri�re (09)�; il l�a sauv�e comme elle se baignait pendant qu�il voyageait � pied sur les bords sourcilleux du Thermodon (10), et il l�a couduite avec lui dans les Indes. Le second prix sera une cavale brune, rapide comme le souffle de Bor�e: une double crini�re ombrage son encolure; elle porte encore un poulain qui va voir le jour, et ses flancs s'arrondissent sous ce fardeau qui promet un noble coursier. Le troisi�me prix est une cuirasse, un bouclier est le quatri�me. Le merveilleux travail de l'enclume de Lemnos a perfectionn� l�une avec l�or artistement combin�, et l�autre se rel�ve � son centre sous un �l�gant bosselage d�argent. Le cinqui�me aura deux talents, produit de la rive du Pactole. Le dieu se l�ve et encourage les pr�tendants : ��Amis, � qui Mars a appris � d�truire les villes et que Neptune a dou�s de la science de guider les chars, je n�excite pas en vous des hommes sans expr�rience du labeur, mais bien des hommes accoutum�s aux plus rudes fatigues, car nos guerriers ont toutes les vertus en partage. Si donc l'un de vous tire son origine lydienne du Tmole, il rivalisera avec les palmes hippiques remport�es par P�lops (11). Si le concitoyen d�Oenomaos de l'Elide aux beaux chars, poss�de les plaines de Pise, nourrice des coursiers, il conna�t la couronne de l'olivier sauvage d'Olympie. Et cependant ce n'est pas ici le stade d'Oenomaos ; les �cuyers n'y trouvent point l'app�t d'un hymen fatal aux �trangers. C'est la lice de l'honneur d�gag�e de tout souci de V�nus. Si le sang de l'Aonie ou de la Phocide coule dans vos veines, vous savez les combats pythiques honor�s d'Apollon ; si le sol que pare l'olive de la savante Marathon (12) vous appartient, vous connaissez les amphores remplies de l'onctueuse liqueur. Si vous cultivez les champs de la fertile Acha�e,� vous n'ignorez point Pell�ne (13), o� les hommes, dans une lice glac�e, se disputent pour prix de la victoire les v�tements de laine dont ils r�chauffent l'hiver leurs membres engourdis. Enfin, si Corinthe, que la mer entoure de sa ceinture, vous a vu na�tre, n'avez-vous pas les jeux isthmiques de notre cher Pal�mon (14) ? � Il dit, les chefs empress�s accourent; ils font tourner et rangent successivement leurs chars. �rechth�e le premier am�ne attel� � son joug Xanthe et la cavale Podarc� (15), couple m�le et femelle. Bor�e, for�ant � s'unir � lui Harpie la Sithonienne , aussi prompte que la temp�te, les avait eus de cette couche ail�e ; et lorsqu'il devint le gendre d'�rechth�e, il les lui donna en gage de son amour pour Orithyie, la nymphe ath�nienne qu'il venait d'enlever. Act�on, le second, fait r�sonner le fouet ism�nien (16). Le troisi�me est Celmis, aux rapides poulains; rejeton du souverain des eaux, il a souvent effleur� les ondes quand il dirigeait sur les mers le char de son p�re Neptune. Phaunos court le quatri�me, il est au milieu de l'enceinte ; et , seul � l'�gal du Soleil , p�re de sa m�re, il conduit quatre chevaux sous le m�me joug. Le cinqui�me est Achate; il est port� par un char de Sicile. Il a pour la science des chevaux cette passion insatiable qui r�gne � Pise sur les bords du fleuve ombrag� d'oliviers, car il habite la plaine o� est l'�pouse de ce malheureux Alph�e qui conduit vers Ar�thuse, en don d'amour, et sans les m�ler � la mer, ses ondes triomphales. Le p�re du t�m�raire Act�on l'�loigne de la foule, et adresse ces tendres conseils � son fils impatient. � Fils d'Arist�e, fils d'un p�re plus r�fl�chi que toi, je sais que ta vigueur est suffisante, et que la fleur de la jeunesse se m�le � ton courage instinctif; tu re�us de ton p�re le sang d'Apollon ; et nos coursiers arcadiens l'emportent sur tous les autres dans la carri�re. Mais ici ni ces avantages tous ensemble , ni la rapidit� des chevaux, ni la force, n'apprennent � vaincre autant que l'esprit de l'�cuyer; la finesse seule te manque, et la conduite des chars exige � la fois l'habilet� et l'exp�rience ; �coute ton p�re ; et les diverses ruses de cet art, telles qne le temps me les a enseign�es, je vais te les enseigner � mon tour. Montre ton talent d'�cuyer en pratiquant les ing�nieuses combinaisons qui assurent la victoire. Quand un conducteur qui n�a rien appris lance son char vers le milieu de l�ar�ne, s��gare �� et l�, et que son attelage contrari� n�ob�it ni au fouet ni au frein, il tourne emport� en dehors de la borne partout o� l�entra�nent ses chevaux indociles devenus ses ma�tres. L��cuyer judicieux, au contraire, qui ne n�glige pas un heureux artifice, m�me s�il n�a que des chevaux inf�rieurs, les redresse, ne perd jamais de vue son devancier, se rapproche de lui quand ils vont ensemble atteindre la borne, et la double alors sans jamais l�effleurer. Regarde-moi, presse ainsi le frein directeur pour faire tourner tout entier ton cheval gauche aupr�s de la pierre; sois comme pilote; sers-toi de l�aiguillon et menace les chevaux de la voix; excite le coursier de droite pour accro�tre sa vitesse; qu�il sente que les r�nes d�tendues lui sont remises; p�se alors obliquement et en t�inclinant sur les c�t�s du char, tout pr�s du bord, mais sans le toucher, dans la mesure n�cessaire; poursuis ainsi ta course sans d�vier, jusqu�� ce que tu voies le moyeu du char, quand il tourne, raser du cercle de ses roues la pointe de la borne; mais prends garde � la pierre, ne vas pas la toucher de �ton essieu, ni te promener �a et l� dans la lice: tu nuirais � la fois au char, aux chevaux et � toi-m�me. Oui, sois comme le pilote: dirige, ainsi que lui, tes efforts en ligne droite; la pens�e de l��cuyer quand il est habile, est pour le char un v�ritable gouvernail. H�te-toi, mon enfant, d�illustrer par tes vertus celui de qui tu tiens le jour. Autant que les combats, la carri�re hippique donne la gloire; h�te-toi de me faire honneur dans le stade ainsi que dans la m�l�e. Tu as vaincu Mars, remporte une autre victoire; et qu�apr�s les exploits de �ta lance, je te proclame encore le vainqueur des jeux. O cher enfant, sois digne de Bacchus, ton alli�, de Ph�bus, de l�adroite Cyr�se, et d�passe en hauts faits ton p�re Arist�e.�� Il dit, et retourne sa place, apr�s avoir ainsi r�v�l� � son fils les ruses vari�es et famili�res � l�art de mener les chars. Aussit�t chaque pr�tendant d�tournant le visage, �tend l�un apr�s l�autre une main aveugle dans le casque accoutum�, et cherche � fixer le sort en sa faveur, comme les doigts du joueur jettent loin de lui des d�s alternatifs. Les �cuyers tirent successivement; Phaunos, le fougueux ami des chevaux, le rejeton de la race tant c�l�br�e du soleil, est le premier que le sort d�signe. Achate est le second; puis, le fr�re de Damnam�n�e; ensuite Act�on; et celui qui devait l�emporter sur tous dans la lice, �rechth�e, le dompteur des coursiers, n�obtient que la derni�re place. Les �cuyers saisissent leurs lani�res de cuir�; ils sont debout et rang�s en ordre sur les chars; Eaque est leur juge v�ridique : c�est lui dont les yeux infaillibles doivent surveiller la lutte. T�moin fid�le, il discernera les efforts dans l�ar�ne des rivaux qui se disputent les couronnes, et r�glera leurs diff�rends. Ils s��lancent d� la barri�re; dans ce premier essor, l�un prend les devants, l�autre le gagne; un troisi�me tient le milieu; celui-ci cherche � froisser l��cuyer qui le suit de pr�s; un rival qui atteint dans l�espace du stade son rival, se penche d�abord et s�agenouille, puis se redresse, ram�ne son cheval allong�, en fait fl�chir les reins, l�arr�te; m�le le char au char, et, de sa main secouant les r�nes, il effraye, du bruit du mors aux dents recourb�es, les coursiers voisins. Dans cet imp�tueux �lan, l�ongle des chevaux aurait frapp� sur les rondeurs de la roue, si le guide n�e�t aussit�t retenu la rapidit� de sa course, et retir� en arri�re son char provocateur. Celui-l� se maintient de front avec un char lanc� dans toute sa vitesse, soutient la marche �gale et douteuse, ne fouette que d�une main habilement m�nag�e, et, tournant l�g�rement son regard de c�t�, il surveille le char de �l��cuyer qui vient apr�s lui. Un dernier, qui a devanc� son voisin, oppose sa marche jalouse aux efforts de l��quipage qui le suit, et qui, d�un c�t� et de l�autre, se pr�sente incessamment devant lui. Le peuple r�uni sur les hauteurs, et assis en rang pour mieux voir l�ar�ne, consid�re de loin la v�locit� des coursiers. L�un se l�ve tout transport�, l�autre montre du bout du doigt qu�il agite un �cuyer dont il voudrait presser la marche. Celui-ci, que poss�de la jalouse �mulation de la lice laisse ses pens�es fr�n�tiques courir avec le conducteur; celui-l�, voyant l��cuyer qu�il favorise pr�c�der les autres, bat des mains, crie d�une voix enthousiaste, l�encourage, rit, tremble et lui donne ses ordres. Tant�t les chars �l�gants, plus rapides qu�une ourse furieuse, volent dans les airs: tant�t ils paraissent emport�s � la surface du sol, rasant � peine la poussi�re, et le sillon passager et direct des roues ne laisse sur le sable qu�une rapide empreinte. La lutte s�anime et se m�le; la poussi�re excit�e s��l�ve jusqu�au poitrail des chevaux; leurs crini�res se dressent au vent des airs qu�ils fendent; et les �cuyers impatients font retentir tous � la fois des cris plus aigus que les sifflements de leurs fouets. La course touche � sa fin; Celmis est le premier; il excite ardemment son char habitu� � courir sur la mer. Car Celmis qui se rapproche, le descendant du dieu des eaux, fait tournoyer dans les airs le fouet maritime de Neptune, dirige la race des coursiers marins de son p�re; et jamais le voyageur du ciel, le sublime P�gase n�a vol� sur ses ailes �tendues aussi vite que les pieds de ces chevaux des abimes franchissent le sol dans leur course insaisissable � l��il. Tout aupr�s de lui, Erechth�e frappe ses coursiers, On dirait, � voir son char si voisin de l�autre, qu�il est mont� par un Telchine des mers; car le noble coursier d��rechth�e vole dans les airs, chasse de ses doubles naseaux un souffle haletant dont il r�chauffe les �paules de son devancier; et certes, �rechth�e aurait pu saisir la chevelure qui ondoie par le cou de son rival, s�il n�e�t retenu son char en le d�tournant; et si, tirant � lui d�un poignet vigoureux les r�nes �l�gantes, il n�e�t serr� l�g�rement la bouche de ses chevaux en les rapprochant. Le coursier, apr�s une si violente secousse, les yeux tourn�s en arri�re sur son guide, allait, couvert d��cume, rejeter le bout du frein qui le presse; mais �rechth�e le retire encore � lui, et �vite ainsi la disgr�ce de le voir s�emparer du mors. Celmis alors, en apercevant son rival si pr�s de son attelage, lui crie d�une voix mena�ante: ��Arr�te, tu luttes vainement contre les coursiers de la mer. C�est avec un char de mon p�re, pareil au mien, que jadis P�lops a vaincu les chevaux invincibles d��nomaos. J�invoque, pour me guider dans la carri�re, l�hippique souverain des eaux (17). Et toi, bourreau des coursiers, tu n�as pour te secourir que la d�esse de la navette, Minerve. Qu�ai-je besoin de ton ch�tif olivier? C�est une couronne de vigne qu�il me faut, et non ta m�diocre olive.�� Ces paroles irritent doublement l�imp�tueux Erechth�e. Il m�dite � la fois une ruse artificieuse et une sage pens�e : ses mains continuent � diriger sa course; mais son c�ur implore pour le succ�s de ses efforts le secours de Minerve, protectrice des villes; et il lui adresse bri�vement la rapide invocation de l�Attique ��Reine de la C�cropie, Pallas, qui n�eus pas de m�re, guide agile des coursiers (18), comme tu l�as emport� sur Neptune dans ton d�fi, fais que ton citoyen �rechth�e, quand il conduit un cheval du Marathon, l�emporte encore sur un fils de Neptune.�� Apr�s ces paroles, il fouette les flancs des chevaux et pousse son char au niveau de l�autre; puis, serrant de sa main gauche les freins des coursiers de Celmis, il tire violemment en arri�re les r�nes du char de son comp�titeur; et, de la droite, il fouette ses chevaux � la haute encolure, qu�il pr�cipite en avant. Puis il change de voie, prend la place de Celmis qu�il laisse en arri�re; dans la volubilit� de son langage il interpelle � son tour le fils de Neptune, le raille, et tournant vers lui un regard moqueur: ��Celmis, tu es d�pass�. �rechth�e l�emporte sur toi. Ma vieille Podarc� a vaincu ton Balios, le jeune et m�le coursier, rejeton de Z�phyre, ce voyageur des flots que les flots ne peuvent atteindre; si tu t�enorgueillis de l�art de P�lops, et que tu v�n�res le char marin de l�auteur de les jours, l�astucieux Myrtile lui d�roba la victoire, � l�aide de la cire imitative dont il fabriqua un essieu fictif; fier de ce sang de Neptune que tu nommes l�Hippique et qui monte le char des ab�mes, vois ce roi de la mer, ce ma�tre du trident, ton m�le protecteur Minerve, une femme, l�a vaincu!�� Ainsi disant, le citoyen d�Ath�nes a laiss� derri�re lui et le Telchine d�autant d�espace qu�il y en a entre un coursier rapide et la roue, quand les crins tendus de sa queue arrondie en effleurent le cercle. Phaunos vient ensuite, et son char � quatre chevaux. Act�ion se glisse en quatri�me, aupr�s de Phaunos, et n�a pas encore oubli� les astucieux conseils de son p�re Arist�e. Le Tyrrh�nien Achate, ferme la marche. C�est alors que le t�m�raire Act�on m�dite un stratag�me: il poursuit de son char Phaunos, qui le pr�c�de toujours ; puis il d�tourne par des coups de fouet mieux appliqu�s les pas des chevaux qu�il met au niveau de leurs devanciers; il se d�robe en passant � Phaunos, qu�il gagne un instant de vitesse, appuie ses genoux aux contours du si�ge, effleure de son char oblique le char rival, et fait passer sa roue sur les pieds des coursiers voisins. Leur char se renverse: � cette secousse, trois chevaux tombent sur le sol; l�un sur les flancs, l�autre sur le ventre, le troisi�me sur l�encolure. Un seul s�incline, mais ne succombe pas; il cloue les extr�mit�s de ses pieds sur la terre, secoue incessamment la t�te, appuie une jambe tout enti�re sur le cheval attel� pr�s de lui, soul�ve les harnais, et retient le timon en l�air. Les autres sont couch�s � terre et pr�s de �la roue. Phaunos a roul� pr�s de son char; la surface de son front est meurtrie; son menton souill� et la pointe de son coude effleur�e se recouvrent de la poussi�re de l�ar�ne. Mais bient�t il bondit, redouble d�agilit�, s�empresse autour du char culbut� pr�s de lui, m�nage de la main le cheval debout, dont il retient la r�ne, et frappe vigoureusement ses compagnons abattus. Le t�m�raire Act�on, qui voit Phaunos s�inqui�ter autour de son �quipage, lui adresse ces paroles enjou�es�: � Cesse de tourmenter tes chevaux, cesse de les h�ter en vain. Je vais annoncer � Bacchus que Phaunos s�est fait pr�c�der de ses rivaux et qu�il arrivera le dernier, tra�nant lui-m�me son char tardif. M�nage ton fouet. Moi-m�me je prends piti� de tes coursiers, quand je les vois meurtris de si piquants aiguillons.�� Il dit, et presse d�un fouet plus rapide son char agile; Phaunos d�pass� l�entend et se d�sesp�re. A peine, en les tirant par les crins de leur queue, a-t-il pu relever ses chevaux poudreux couch�s sur le sol; il rattache par la bride un des poulains qui �chappe � son harnais en se d�battant, il remet chacun � leur place les pieds de ses coursiers impatients, et remonte sur son char. Alors, affermissant ses genoux, il flagelle de nouveau son attelage sous ses terribles lani�res; il s�anime, suit de plus pr�s l��cuyer qui le pr�c�de, excite encore la c�l�rit� de ses chevaux; car l�hippique Neptune, par honneur pour son intr�pide rejeton, leur avait inspir� un grand courage, et il atteint ses devanciers, lorsque, voyant la route r�tr�cie par les roches creus�es, il m�dite un ing�nieux artifice pour gagner adroitement Achate et le d�passer. Il est une ravine profonde, agrandie sur la voie par les fl�aux de l�hiver: quand Jupiter verse du haut des cieux les eaux qui d�bordent sous l�effort des courants pluvieux, cette fente de la terre s�est �largie sous les torrents; c�est l� qu�est contraint de se diriger Achate, pour �viter le choc de l�imp�tueux �cuyer qui le talonne; et il lui adresse ces paroles d�une voix entrecoup�e: � Insens� Phaunos! Quoi ! tes v�tements sont encore salis; les anneaux de ton char sont plein de sable; et tu n�as pas encore secou� la poussi�re de tes coursiers d�shonor�s! Lave tes souillures; pourquoi recommencer la lutte? Faut-il que je te voie tomber derechef et palpiter�? Redoute ton t�m�raire Act�on : il saurait t�atteindre encore, et flageller tes �paules de ses lani�res de taureau. Crains qu�il ne te jette une seconde fois la t�te en avant sur la poussi�re, quand tes joues portent encore les traces de tes blessures. Que tardes-tu, Phaunos, d�adresser de doubles reproches � ton p�re Neptune et � ton a�eul le Soleil? Tremble devant les langues railleuses des satyres, prends garde que les sil�nes et les suivants de Bacchus ne plaisantent sur toi et ton char couvert de poudre. O� sont maintenant les herbes, les simples et les charmes divers de Circ�? T�ont-ils donc tous abandonn�, oui tous, quand tu t�es pr�sent� dans la lice? Qui se chargera d�annoncer � ta noble m�re ton char culbut� et ton fouet fl�tri.�� Ces paroles hautaines que vient de faire entendre l�injurieux Achate, N�m�sis en tient compte. Phaunos s�approche, atteint son rival, engage char contre char, et frappant de son essieu la cheville interm�diaire, il la brise sous le cercle de sa roue : la roue d�tach�e roule d�elle-m�me et se couche sur le sol, tel que le char d��nomaos, quand la cire du moyeu fictif, fondue par le soleil, trompa les efforts de cet ardent �cuyer. Resserr� par la route �troite, Achate dut attendre que Phaunos, assis sur son char attel� de �quatre coursiers, l�e�t d�pass� d�un �lan plus rapide; et, comme s�il ne l�e�t pas entendu, il fouette alors d�une vigueur incessante l�encolure de ses chevaux excit�s, et se rapproche d�Act�on � la distance qu�un disque lanc� de loin par la main d�un homme jeune et robuste peut parcourir en roulant (19). D�s lors la fureur s�empare de la multitude: l�un provoque l�autre; les d�fis s�engagent sur la victoire future que rien ne t�moigne encore. On dispute en faveur des coursiers les plus agiles, les tr�pieds, le vase, le glaive ou le bouclier. Le compatriote d�fie le compatriote, l�ami son compagnon, le vieillard s�attaque au vieillard, le jeune homme au jeune homme, le guerrier au guerrier. Les avis se partagent. L�un vante Achate, l�autre met au-dessus de lui Phaunos, qui est tomb� de son char renvers�; celui-ci soutient qu��rechth�e n�est que le second, et ne doit venir qu�apr�s le Telchine des mers. Celui-l� conteste, et dit que le citoyen d�Ath�nes, en s�approchant adroitement des chevaux qu�il a atteints l�emporte sur Celmis, et qu�il a d�pass� son devancier (20). La dispute dure encore qu�Erechth�e est d�j� tout pr�s, fouettant sans cesse de tous c�t�s les �paules de ses chevaux. Des flots de sueur coulent de leur encolure et de leur poitrail dont les poils se h�rissent. Les nombreux flocons d��cume, salis de poussi�re qu�ils lancent au loin, tombent sur leur guide. Les chars roulent jusque sous les pieds des chevaux dans ce rapide tourbillon; et le fer de la roue marque � peine son passage sur la surface intacte d�un sable menu. Apr�s cette course imp�tueuse, �rechth�e revient sur son char au centre de la lice; l� il essuie avec sa tunique la sueur qui perle sur son front humide; puis il saute promptement hors du char, appuie son long fouet contre le joug �l�gant et son serviteur Amphidamas d�telle les coursiers. Alors il s�empare d�une main ravie des premiers prix de la victoire, le carquois, l�arc, la femme au beau casque, et il fait r�sonner le milieu de la ronde surface du demi-bouclier. Celmis descend le second du char maritime, Celmis, le guide des coursiers de Neptune au sein des mers; il re�oit le second prix, et sa main jalouse pr�sente la cavale f�conde � son fr�re Damnam�n�e. Act�on re�oit en t�moignage de sa victoire la cuirasse dor�e, image �maill�e de l�olympe. Phaunos vient ensuite: il ram�ne son char; et, encore souill� des restes dess�ch�s d�une vaine poussi�re, il emporte le bouclier au centre argent�. Enfin un serviteur livre an Sicilien Achate, aupr�s de� son char attard�, deux talents d�or que le bienveillant Bacchus envoie pour consoler la tristesse de son malheureux ami. Le dieu pr�pare ensuite la p�nible lutte du pugilat. Il place en premier prix un taureau, produit des �tables des Indes; et pour le second, le bouclier propre aux noirs Indiens, arme barbare dont la surface est peinte. Puis il se l�ve, engage deux lutteurs aux bras robustes � se disputer la victoire, et dit�: ��C�est ici le combat du ceste indompt�; j�offre ce taureau aux poils �pais au vainqueur, et ce bouclier sinueux au vaincu.�� A ces paroles de� Bacchus, le corybante M�liss�e se pr�sente. Le pugilat est son occupation pr�f�r�e, il saisit le taureau par ses belles cornes, et s�exprime ainsi�: ��Que celui qui souhaite le bouclier �maill� se pr�sente. Quant � moi, tant que je saurai user de mes bras, je ne c�derai � personne ce gras taureau.�� Un silence universel suit ces mots; et Eurym�don seul se pr�sente. Un jour qu�il travaillait � la forge de son p�re Vulcain, et battait la solide enclume, Mercure lui donna les instruments du robuste pugilat. Son fr�re Alcon s�inqui�te et le sert; il le d�pouille de son tablier, passe la ceinture � ses flancs, garnit ses longues mains des laiti�res d�un cuir dess�ch� qu�il y entrelace. Le guerrier s�avance dans la lice, et tend sa main gauche, bouclier naturel, devant son visage. De la droite, au lieu de pique, il porte les courroies meurtri�res, et toujours il surveille les assauts de son terrible adversaire, de crainte qu�il n�en soit frapp� sur les sourcils ou � l�extr�mit� du front; car il pourrait, soit ensanglanter ses paupi�res en les d�chirant, soit appesantir ses coups sur le centre du cerveau, si�ge de la pens�e, et meurtrir les tempes en attaquant leur superficie; ou, for�ant une main raboteuse sur l�extr�mit� du front, chasser l��il de son orbite aveugle; ou bien encore tendre les joues ensanglant�es, et briser les rangs press�s des dents les plus aigu�s. Tout � coup M�liss�e atteint Eurym�don qui s�avance, � l�extr�mit� de la poitrine; et la main qui prot�geait le visage s�est tendue vainement pour parer le coup, elle n�a frapp� que l�air: d�s lors le premier tourne et court sans cesse autour de son antagoniste, change d�attaque, et menace de la main droite la mamelle nue : enfin ils se saisissent tous les deux, changeant de place l�un apr�s l�autre insensiblement et � petits pas, puis ils m�lent les bras aux bras: sous leurs coups multipli�s, les lani�res enlac�es aux bout de leurs mains rendent un son effrayant, et se teignent des gouttes de sang de leurs joues entam�es; les m�choires r�sonnent aussi; ces m�mes joues se creusent sous les hauteurs du front qui s�est aplati; et les yeux se gonflent des deux c�t�s du visage. Eurym�don se fatigue de l�adresse de M�liss�e qui le tient sans cesse sous l��clat insupportable de la lumi�re du soleil pour �blouir ses yeux; c�est alors que reculant d�un pas, M�liss�e s��lance, ranime le tourbillon de ses coups et frappe la m�choire au-dessous des oreilles. Eurym�don bless� tombe � la renverse et roule de lui-m�me sur la poussi�re; il y appuie ses flancs tel qu�un homme d�faillant ou enivr�. Sa t�te vacille de c�t� et d�autre; sa bouche �cume d�un sang l�g�rement �paissi: son fr�re Alcon l�emporte alors tristement sur ses �paules hors de la lice, tout accabl� et �tourdi de la blessure; mais il enl�ve aussi le large bouclier indien. Bacchus appelle parmi les concurrents un couple d�athl�tes, et proclame l��preuve de la lutte. Il d�signe un tr�pied de vingt mesures pour r�compense au lutteur heureux, Il r�serve pour le vaincu un bassin cisel� de fleurs qu�on apporte dans la lice. Puis il se l�ve, et crie encore d�une voix indicatrice: ��Voici un noble combat, venez y prendre part.�� �Il dit; � l�appel du dieu qui ch�rit les guirlandes, Arist�e se l�ve le premier. Le second est Eaque, exerc� dans les �uvres des bras robustes�: ils se pr�sentent nus dans l�ar�ne; un tablier seul cache de leur corps ce qu�il n�est pas permis devoir (21). Tous deux ils entrelacent de tous c�t�s leurs deux bras de leurs doubles poignets pour se renverser mutuellement sur une poussi�re menue, et ils se serrent et s�attirent des cha�nes alternatives de leurs mains; puis l�un recule ou fait reculer l�autre; ils vont et viennent dans la lice sous une pression r�ciproque; tous les deux s�embo�tent alternativement, rapprochent leur t�te qu�ils appuient sur le milieu du front, immobiles et tourn�s vers la terre. Une p�nible sueur, t�moignage de leurs efforts, coule de leur visage; l�un et l�autre ils compriment sous les doubles liens de leurs bras entrelac�s, leurs reins qu�ils font plier. Une tumeur de sang court tout � coup d�elle-m�me sur leur corps qu�elle �chauffe, qu�elle rougit et stigmatise. Les deux athl�tes usent, l�un apr�s l�autre, des ressources vari�es de la lutte. Arist�e, le premier, �treint son adversaire sous les paumes de ses mains, et se fait du sol un levier. L�ing�nieux Eaque a recours alors � une adroite ruse, il frappe d�un pied furtif le jarret gauche d�Arist�e, et le pr�cipite � terre tout entier sur le dos, tel que s��croule un haut promontoire, Le peuple regarde d�un �il stup�fait tomber ce fils d�Apollon, si grand, si glorieux et si vant�. �aque, dans une seconde �preuve, enl�ve sans effort au milieu des airs l�immense fils de Cyr�ne, et c�est le pr�sage de la force r�serv�e dans l�avenir � ses enfants, l�infatigable P�l�e et le robuste T�lamon; il l�emporte sans courber ni la t�te ni les �paules; il l�a saisi de ses deux bras au milieu du corps; et ils repr�sentent ensemble ces poutres que l�architecte dresse l�une contre l�autre pour d�fier la violence des temp�tes et des vents. Eaque, apr�s avoir jet� tout de son long Arist�e sur la poussi�re, monte sur ses reins, encercle ce ventre �tendu sous la longueur de ses jambes, l�entrave de la pointe de ses genoux recourb�s, le retient de la rondeur de ses mollets, appuie pied contre pied; et, s��tendant aussit�t sur le dos de son adversaire, il arrondit les doigts, entrelace les mains l�une � l�autre, et passe un bras comme une cha�ne autour de la gorge d�Arist�e. Il empreint la poussi�re de sa propre sueur; et aussit�t il en combat l�humidit� par un sable aride (22), de peur que la chaude ros�e qui tombe de sa t�te ne rel�che et fasse glisser les �treintes de ses mains. Les juges et les h�rauts qui surveillent la lutte accourent aupr�s d�Arist�e abattu, et tremblent qu�il n�expire sous ces doubles entraves (23). Les r�gles du combat n��taient pas alors telles que la post�rit� devait les �tablir, quand, sous les cha�nes qui compriment sa gorge, il suffit au lutteur, s�il se sent �touffer, de reconna�tre, dans un silence prudent, la sup�riorit� de son rival, et de tendre au vainqueur une main humili�e. Les Myrmidons, serviteurs de leur roi triomphant, enl�vent dans leurs bras le tr�pied aux vingt mesures; Act�on emporte aussit�t le second prix acquis � son p�re, le bassin dont il prend tristement possession. Bacchus introduit alors la lutte de la course. Il offre au premier athl�te, pour gage de la victoire, une coupe d�argent, chef d��uvre des forges de Sidon, au second, un coursier de Thessalie � la robe mouchet�e; au dernier, un glaive ac�r� avec un baudrier �l�gant. Il se l�ve et appelle ainsi les rapides coureurs: ��Voil� les prix destin�s aux guerriers le plus agiles.�� Il dit; et Ocythoos agite ses genoux accoutum�s � la course. Le prompt �rechth�e s�empresse, il est fertile en exp�dients et cher � la victorieuse Pallas. Apr�s lui vient le v�loce Priase, habitant des plaines de �Cyb�le. Ils partent de la barri�re; Ocythoos se maintient le premier par l�imp�tueuse c�l�rit� de ses pieds qui le portent dans une ligne directe; derri�re mais tout pr�s s��lance �rechth�e dont le souffle va frapper les �paules d�Ocythoos, et r�chauffer sa t�te. Autant que la navette se rapproche du sein de la diligente jeune fille, quand, pour achever sa toile, elle tend et mesure les fils d�une main exp�riment�e, d�autant Erechth�e demeure en arri�re d�Ocythoos�; il frappe du pied ses traces avant que la poussi�re s�en �l�ve. Et sans doute la course allait rester ind�cise mais Ocythoos s�aper�oit de ce rival qui se rapproche et va l�atteindre; il redouble alors d�agilit�, met entre eux deux un espace plus grand, pareil au pas d�un homme. Inquiet de la victoire, �rechth�e en ce �moment invoque Bor�e, et lui adresse ces mots�: ��O mon gendre, viens au secours d� �rechth�e et de �ton �pouse, si un tendre amour t�enflamme encore pour ma fille; pr�te-moi pour un moment la c�l�rit� de tes ailes, et fais-moi d�passer cet agile Ocythoos qui me pr�c�de toujours.�� Il dit; Bor�e exauce sa pri�re, et lui donne un �lan sup�rieur au plus alerte tourbillon; les trois concurrents multiplient leurs imp�tueux efforts. Mais la balance n�est pas �gale; et d�autant qu��rechth�e malgr� sa course ail�e, reste en arri�re d�Ocythoos d�autant il laisse derri�re lui le noble Phrygien, le fier Priase. Tout � coup, comme la course se termine et n�exige plus qu�un dernier effort, le v�loce Ocythoos glisse sur la poussi�re, l� ou s�est accumul� le fumier des b�ufs que Bacchus a �gorg�s aupr�s de la tombe sous son couteau de Mygdonie. Ocythoos retire aussit�t son pied, bondit par dessus l�obstacle, et reprenant sa course, gagne le niveau du rival qui l�a pr�c�d�; et, si la carri�re e�t �t� moins pr�s de �finir, il e�t sans doute par sa vitesse rendu la victoire ind�cise, ou m�me d�pass� le citoyen d�Ath�nes. �rechth�e se saisit aussit�t de la belle coupe sidonienne � la surface �maill�e; Ocythoos s�empare du coursier de Thessalie, et Priase, qui s�avance lentement en troisi�me; re�oit le glaive avec son baudrier d�argent. La troupe de satyres � l�esprit �fol�tre rit de �voir le corybante, tout souill� de poussi�re, rejeter le fumier qui d�coule encore de son menton. Le dieu place dans la lice une masse de fer qu�on n�a pas d�grossie, et fait appel � tous ceux qui lancent le disque. Le vainqueur aura deux javelots avec un casque � l�aigrette de crin, le second une brillante �charpe circulaire, le troisi�me une coupe allong�e, et le quatri�me une n�bride � laquelle le divin forgeron a adapt� une agrafe d�or. Bacchus se l�ve, s�avance au centre de l�ar�ne, et �veille l�attention par ces mots�: ��Voici la lutte qui anime les pr�tendants au triomphe du disque (24).�� A ces paroles du dieu, M�liss�e, le sonneur de boucliers, se l�ve : Halim�de, aux pieds a�riens, vient ensuite; le troisi�me est Eurym�don; Acmon est le quatri�me. Tous les quatre se placent en ligne l�un pr�s de l�autre. M�liss�e pousse d�abord la masse arrondie, et les sil�nes sourient d�un jet si ch�tif; puis, Eurym�don, saisissant l�orbe rapide qu�il r�gle sous l�effort de son poignet, le lance d�une largeur de main au del�. Ensuite, Acmon, � la haute t�te, fait voler devant lui le trait d�une si pesante rondeur; ce trait court dans les airs � l��gal d�un souffle, et d�passe de beaucoup dans son rapide �lan la marque d�Eurym�don. Enfin, le gigantesque Halim�de dirige � son tour vers le m�me but le disque qu�il fait tournoyer dans les nuages. La masse �chapp�e de cette main monstrueuse siffle au sein des temp�tes a�riennes, comme une fl�che directe que l�arc a d�coch�e, vole emport�e par les haleines inconstantes. Le disque tombe du haut des airs, roule en bondissant au loin sur la terre, et, toujours pouss� par l�effort d�une main exp�riment�e, il conserve sa puissance primitive jusqu�� ce qu�il ait laiss� toutes les marques loin derri�re lui. Les spectateurs r�unis applaudissent unanimement, et contemplent la course sautillante du disque qui ne sait s�arr�ter. Halim�de s�enorgueillit d�emporter le double prix, les deux javelots et la haute aigrette qu�il brandit dans sa main; Acmon, aux pieds boiteux, prend l��charpe o� brille l�or; Eurym�don, la coupe qui ne connait pas le fou, et que deux anses d�corent; enfin M�liss�e, au visage m�content, se retire avec la n�bride tachet�e. Bacchus pr�sente aux combattants les prix de l�arc, hommage � la science du tir; il conduit dans l�ar�ne une mule laborieuse �g�e de sept ans, pour r�compense de la victoire. Un vase �l�gant est r�serv� au vaincu. Euryale enfonce et dresse dans le sol sablonneux des champs le long m�t d�un vaisseau; il �l�ve avec ce m�t une colombe captive qu�on aper�oit de loin, et dont il a attach� tout autour les deux pieds par un fil mince et l�ger. Puis, le dieu fait entendre aux guerriers rassembl�s sa voix encourageante, et presse les archers vers le but dress� au milieu des airs. ��Celui, dit-il, dont la fl�che percera la colombe, aura cette mule pr�cieuse pour prix de son adresse; celui qui, visant le but, manquera la colombe et la laissera sans blessure sous la pointe de ses traits ail�s, mais en touchant le fil, comme il n�aura eu qu�un moindre succ�s, ne recevra aussi qu�une moindre r�compense; au lieu de la mule, il aura le vase pour en faire des libations � Ph�bus, le dieu de l�arc, et en m�me temps � Bacchus, le dieu du vin.�� A ces paroles de l�opulent Bacchus, Ast�rios et Hym�n�e s�avancent l�un et l�autre. Le sort d�signe Ast�rios le premier: arm� de son arc de Gnome tendu de la corde accoutum�e, il prend sa vis�e droit au m�t et d�coche sa fl�che; il a touch� les fils: d�chir�s par l�acier, ils laissent �chapper l�oiseau vagabond qui s�envole au sein des airs, et le fil tombe � terre. L�archer Hym�n�e qui porte � la ronde son regard vers la route des cieux, aper�oit la colombe au-dessus des nuages; il ajuste aussit�t vers ce but a�rien, sur sa corde toujours pr�te, une fl�che prompte comme un souffle, et la lance contre la colombe, moins rapide qu�elle. Le trait voyageur vole sur ses ailes au sein des airs; on n�en voit que la pointe; il fend le milieu des nuages et siffle avec les vents. Apollon le dirige pour favoriser son fr�re Bacchus, dont il plaint les malheureux amours. La fl�che atteint la colombe dans son vol, traverse l�extr�mit� de la poitrine; et l�oiseau a�rien, la t�te pench�e, tombe sur le sol du haut des airs. La colombe mourante aux pieds du dieu des ch�urs palpite encore sur la poussi�re. Bacchus saute de joie � cette victoire, bat des niaise, et jette des cris joyeux et per�ants en l�honneur d�Hym�n�e: r�unis sur un seul point, tous les spectateurs rest�s sur la lice s��tonnent de cette fl�che merveilleuse qui a travers� les nues; Bacchus sourit, il conduit de sa propre main vers Hym�n�e la mule, pr�sent qu�il a si bien m�rit�. Les compagnons d�Ast�rios prennent pour lui la coupe qui est sa r�compense. Enfin le dieu stimule les guerriers, vers un combat amical, et d�pose des prix indiens pour cette �preuve. C�est un cuissard double et une pierre pr�cieuse de la mer indienne. Il se l�ve et parle; il veut que deux guerriers repr�sentent dans un engagement fictif et � l�aide d�un glaive m�nag� l�image simul�e d�une lutte o� ne doit pas couler le sang. � Ce combat, dit-il, que vont se livrer deux soldats ne conna�t qu�un Mars adouci et une Bellone apais�e.�� A ces paroles de Bacchus, Ast�rios secoue ses armes de fer et s�en rev�t; Eaque s�avance au milieu de l�ar�ne; il a son �p�e d�acier et il agite un bouclier �l�gant; tels qu�un lion, r�dant la nuit dans les campagnes fond sur un taureau ou sur un sanglier velu, les deux serviteurs de Mars se pr�cipitent dans le cirque, cach�s sous une tunique de ter; Ast�rios, qui brandit une robuste lance, a toute la vigueur de son p�re Minos; et il blesse l�extr�mit� du brassard gauche qu�il a fauss�. �aque, digne fils de Jupiter qui r�gne au haut des cieux, dirige une pique de fer contre le gorge et va atteindre le milieu du gosier d�Ast�rios; mais Bacchus l�arr�te, enl�ve la sanglante pointe, de peur que l�acier ne vienne � atteindre le guerrier; et, faisant cesser leur assaut, il leur crie d�une voix anim�e: ��Abandonnez de telles armes�; il s�agit d�une lutte amicale. Ici Mars est bienveillant, et ses combats ne doivent pas blesser.�� Il dit. Le glorieux �aque recueille le prix de la martiale victoire, et transmet � son serviteur les cuissards dor�s�; tandis qu�Ast�rios, pour seconde r�compense, emporte la pierre indienne que sa lance vient de conqu�rir (25). NOTES DU TRENTE-SEPTI�ME CHANT. (01) L'immortalit� de l'�me. � Daniel Heinsius pr�tend que Nonnos a mis�rablement introduit au d�but de ce chant l'immortalit� de l'�me, � laquelle il a voulu faire allusion, et que ces sophismes ne sont pas tol�rables en mati�re s�rieuse. Le philologue hollandais a compl�tement m�connu la pens�e du po�te �gyptien. Nonnos rappelle seulement la m�tempsycose, qui �tait de foi chez les indiens, et il dit que, d'apr�s leurs dogmes, les �mes des morts allaient reprendre leur place dans le cercle qui devait les ramener � la vie : c'est l� ce que signifient les mots κυκλάδι σειρῇ, νύσσαν ἐς ἀρχαίην, qui , � mon sens, ne pr�sentent aucune in�l�gance. Et ce r�ve de Pythagore me para�t fort pr�f�rable, apr�s tout, au syst�me �picurien qui niait la vie future. Le cardinal de Polignac n'a pas suivi Heinsius dans cette voie. j'en atteste ces vers de l'Anti-Lucr�ce, qui viennent � l'appui de mon texte :
Dlc Igitur sene cum Samlo, Indorumque sophistis (Anti-Lucretius, L VI, v. 1125.) Il ne faut pas oublier non plus Phocylide, qui disait, plus de cinq cents ans avant le christianisme
καὶ τάχα δ' ἐκ γαίης ἐλπίζομεν ἐς φάος ἐλυεῖν (Pr�ceptes, v. 97.) � Nous croyons que ce qui reste apr�s la mort passera de la terre � la lumi�re, et bient�t apr�s deviendra dieu. � D'ailleurs l'immortalit� de l'�me n'�tait pas nouvelle dans l'�pop�e grecque; elle est clairement manifest�e par ces deux vers de l'Iliade, que Platon a comment�s le premier et qu'Hom�re avait mis dans la bouche d'Achille :
Ὡπόποι )ῆ ῥά τις ἐστὶ καὶ ἐν ἀίδαο δόμοισι (Il., XXIII, 103.)
O puissance �ternelle 1 (Aignan.) Je le r�p�te , la m�tempsycose �tait un dogme religieux chez presque tous les Indiens. Ils croyaient � l'immortalit� de l'�me perp�tu�e par sa transmigration successive dans des corps divers. � Quoi ! n'as-tu pas d�j� v�cu plusieurs fois dans le monde? �� Tel est le refrain philosophique d'une chanson populaire de l'Inde (Pad. ). Ainsi disaient aussi les druides aux Gaulois, nos anc�tres, pour les exciter au combat. Non interire animas; sed ab aliis post mortem transire ad alios, atque hoc maxime ad virtutem excitari putant , metu mortis neglecto (C�sar, de Bell. gall., liv. VI). (02) La coupe des bois. -- Cette description de la coupe des bois sur le sommet des collines est d'une rare exactitude, et me rappelle ce que j'ai vu moi-m�me dans les for�ts de Castellamare. Les mules marchant � la queue l'une de l'autre, d'un pas allong� et retentissant , tra�nant des branchages qui balayent le sentier; l'�paisse poussi�re qui s'en �l�ve; ces b�cherons, guerriers chez Nonnos, mais si pacifiques dans le golfe de Naples, qui traversent en tous sens les sentiers escarp�s, les bras charg�s de vieilles souches : tout cela fait encore tableau devant mes yeux. Il para�t seulement que Nonnos ne connaissait pas l'industrie des montagnards qui vivent entre Amalfi et Sorrente, Il aurait d�crit mieux que moi les cordes tendues d'un pic � l'autre, qui font glisser d'�tage en �tage, comme la fl�che d'une fus�e passant sur la t�te, et avec le m�me sifflement , des fagots d'arbousier et de myrte descendus si vite d'une telle hauteur. Ces forets qui tombent sous la hache me font penser � de beaux vers d'Emp�docle cit�s par Diog�ne-La�rce : � Dieu, � dit-il, � pour combattre les are deurs de l'�t�, nous donna le souffle des vents et les courants que nourrissent les arbres; � ῥεύματα δενδρεόθρεπτα, �merveilleuse expression d'un grand observateur de la nature ! Je la signale � l'admiration de tous ceux qui, comme moi, g�missent du d�boisement des for�ts. (03) Les chevelures, don supr�me. � Ce don supr�me des vivants � ceux qui ne sont plus, τὸ τελευταῖον δῶρον ἤδη τε θαπτομένῳ, expression de Maxime de Tyr, est une coutume qui remonte � la plus haute antiquit� : elle a pass� des fun�railles de Patrocle, dans l'Iliade, � la tombe de Clytemnestre chez Euripide ; mais l�, H�l�ne, coquette comme une Fran�aise, ne fait hommage � sa soeur que du bout de ses cheveux, et r�serve pour d'autres effets les boucles qui parent son front :
Ἴδετε, παρ' ἄκρας ὡς ἀπέθρισεν τρίχας (Eurip., Oreste, v. 12e.) L'usage fun�raire que Nonnos d�crit avec son abondance habituelle, Cointos de Smyrne l'a resserr� de cette fa�on :
ἀμφὶ δε`χαίτας (Paralip., l. III, v. 683 ) (04) Les douze Indiens d�capit�s. -- Les regrets dont Achille honore la m�moire de Patrocle, qui donnent un grand charme et une si douce m�lancolie au d�but du vingt-troisi�me chant de l'Iliade, ne pouvaient trouver leur pendant dans cet Ophelte, guerrier inconnu, et l'un des plus insignifiants amis de Bacchus , choisi peut-�tre entre tous, � cause de sou homonyme Ophelt�s , en l'honneur duquel furent institu�s les jeux N�m�ens. On en peut lire toute l'histoire dans la Th�ba�de de Stace :
Ducibus sudatus Achaeis (L. IV, v. 722.) Or le po�te civilis� du quatri�me si�cle, qui a trouv� l'occasion de signaler une r�gle d'humanit� introduite post�rieurement dans le pugilat (vers 605), aurait pu, par le m�me motif, nous faire gr�ce des douze Indiens d�capit�s par Arist�e sur le b�cher d'Ophelte. Ils sont, il est vrai, en nombre �gal aux douze jeunes Troyens �gorg�s par le fils de P�l�e ; mais Hom�re lui-m�me semble s'excuser de cette barbarie en la rejetant sur la mauvaise col�re d'Achille (κακὰ δὲ φρεσὶ μήδετο ἔργα (XXIII, 176); ce dont Nonnos se dispense envers les Indiens, comme si la traite des n�gres e�t exist� de son temps.
(05) Vers tir�s
d'Hom�re. -- Voici les quatre vers d'Hom�re reproduits par Nonnos : Je ne cite que les vers entiers, sans tenir compte des nombreux h�mistiches qui ont pass� de ce m�me chant dans le XXXVIIe des Dionysiaques; et si je ne les ai pas not�s � leur passage , ce n'est pas sans m'en �tre aper�u. Ici l'urne fun�bre est d'or, comme celle de Patrocle ; pour le commun des guerriers, elle �tait de cuivre. Ainsi le disent les beaux vers de Sophocle, si admirablement imit�s par Corneille :
Καί νιν πυρᾷ κεάντες εὐθὺς, ἐν βραχεῖ (�lectre, v. 759.)
Dans quelque urne ch�tive en rassembler la cendre, (Pomp�e, act. II, sc. 9.) (06) Les corybantes tourneurs. -- Cette �pith�te, qui sied si bien aux fanatiques corybantes, je l'emprunte � mes anciens voisins de Constantinople, les derviches tourneurs, dont j'ai plus d'une fois admir� les �volutions extatiques. (07) Les jeux fun�bres. � Dans les fun�railles antiques, apr�s les lugubres c�r�monies, viennent les jeux de l'ar�ne; la joie suit le deuil. � Il faut, � dit Antiphane, �� pleurer mod�r�ment les amis qui s'en vont avant nous ; ils ne meurent pas, mais ils nous pr�c�dent dans la m�me voie que nous avons tous forc�ment � parcourir ; et nous-m�mes enfin nous nous r�unirons � eux dans le m�me asile , pour y passer ensemble une autre vie. � Κοινῇ τὸν ἄλλον συνδιατρίψαντες χρόνον. (Ant., ap. Stob., CXXIII, � 27 ). Ici, plus que dans tous les autres chants, l'imitation d'Hom�re est flagrante ; mais ce n'est gu�re un reproche qu'on puisse adresser sp�cialement � Nonnos, quand chaque po�te h�ro�que a pris � t�che de copier exactement sur ce m�me point le p�re de l'�pop�e : Virgile, Ovide, Stace, ont donn� l'exemple; et les �piques modernes se sont conform�s � l'usage en le modifiant comme leurs devanciers, suivant leur g�nie. C'est ainsi que F�nelon, dans le T�l�maque, a m�l� aux jeux publics des Cr�tois des questions de philosophie politique, et l'Espagnol Ercilla, dans l'Araucana, des r�cits pittoresques o� les luttes sauvages des peuplades am�ricaines sont retrac�es avec une v�ritable originalit�. Nonnos a emprunt� ses images ou ses expressions � l'Iliade, moins encore peut-�tre que ne l'a fait Cointos de Smyrne dans un po�me qui avait pour but de la continuer sans doute, mais non de la r�p�ter. Le chantre de Bacchus d�laye et affaiblit le chantre d'Achille sous les pr�tentieux ornements d'une �l�gance toute moderne. Ses retranchements et ses ajout�s ne sont pas toujours heureux ; mais il a surtout c�d� � l'esprit de son si�cle, en amplifiant la course des chars. Les jeux du cirque, apr�s avoir passionn� l'empire romain, faisaient-ils donc aussi fureur au sein d'Alexandrie ? Je croirais plut�t que Nonnos en avait �t� le t�moin oculaire dans l'hippodrome de Constantinople, oubli� aujourd'hui sous le nom d'Alme�dan. Ses connaissances g�ographiques me persuadent qu'il avait beaucoup voyag�, et qu'il n'avait pas born� sa vie � voir couler les ondes du Nil. Le tirage au sort du rang des chars aupr�s de la barri�re du d�part , emprunt� d'Hom�re, pr�sente ici une singularit� toute italienne. Cet homme, �� qui jette ses doigts au loin pour un hasard� alternatif, � fait-il autre chose que jouer � la mora antique et moderne? Ce passe-temps de tous les oisifs par del� les Alpes n'est-il pas clairement d�sign� ? Car κυβός ne signifie pas en cette occasion le jeu des d�s signal� par Plutarque : καὶ ὥσπερ ἐν πτώσει κύβων, πρὸς τὰ πεπτεκώτα τίθεσθαι τὰ ἑαυτοῦ πράγματα (Consol. � Apoll.) ; � Et comme en jetant les d�s il faut se conformer � ceux qui a tombent, mais bien les chances du sort, telles que dans ces vers d'Euripide : � Et quand on jette sa vie aux d�s de la fortune, que ce soit au moins pour une noble r�compense. �
Ἐπ' ἀξίοις πονεῖν (Rh�sus., v. 183.) Au reste, si l'on venait � se plaindre de retrouver ici des jeux fun�bres apr�s ceux qui ont suivi la mort de Staphyle (ch. XIX) et apr�s la gymnastique qui a pr�sid� � l'�ducation d'Amp�los (ch. X) je dirais que toutes ces luttes varient dans leur nature. Je me figure m�me que Nonnos, en portant la division de son po�me au chiffre de quarante-huit, a eu en vue d'�galer d'un seul coup les deux fois vingt-quatre chants d'Hom�re, et que, s'il revient aux jeux publics � trois reprises, c'est qu'il a voulu imiter les jeux des amants de P�n�lope et la f�te des Ph�aciens dans l'Odyss�e, non moins que les pompes fun�bres de Patrocle dans l'Iliade. (08) Les prix des jeux. � Dans l'antiquit�, les prix des combats se d�posaient au milieu du cirque, μέσῳ ἐν ἀγῶνι ; c'est l� que Diom�de ram�ne ses chevaux divins, tout couverts de sueur, et re�oit l'esclave accomplie et le large tr�pied, premiers prix de la course des chars (Iliade, XXIII, 607):
Circoque locantur �(Virg., �n.,l. V, v. 101) Dans les temps de la chevalerie, les prix furent d�pos�s � l'un des bouts de la lice, et d�j�, dans les �thiopiques d'H�liodore, on voit Charicl�e � une des extr�mit�s de l'ar�ne couronner elle ne le vainqueur Th�ag�ne, coutume l�gu�e � tous les tensons d'amour et � tous les tournois guerriers qui allaient suivre. (09) Ar�iphile. Ar�iphile signifie amie de Mars; ce nom d'amazone n'est pas connu ; il doit �tre de l'invention de Nonnos , et il me semble aussi bien compos� que celui du chirurgien et du m�decin d'Idom�n�e dans le T�l�maque, Nosofuge, qui met en fuite les maladies, et Traurnaphile, ami des blessures. N'en d�plaise aux critiques qui ont reproch� � F�nelon ces deux noms tir�s de l'art de gu�rir, l'archev�que de Cambrai, qui savait tant de choses, se connaissait aussi en �tymologie. (10) L'Amazone sauv�e. � Les exploits de Bacchus chez les Amazones sont moins connus que ceux d'Hercule, et cependant Nonnos y revient deux fois : d'abord il nous montre son h�ros �pouvantant ces guerri�res de la vue des �l�phants conquis dans la guerre des Indes (ch. XXVI, v. 330) ; et ici c'est sans doute une de ces excursions isol�es et p�destres que la fr�n�sie du Dieu lui fit entreprendre. Le Thermodon, car j'y reviens aussi, ou l'Araxe, fleuve de Cappadoce, maintenant le Termeh, avant de se rendre dans l'Euxin. arrose les plaines de la Th�miscyre, aujourd'hui le Djanick, patrie primitive des Amazones. Ar�iphile �tait probablement une de ces guerri�res dont parle Properce
Qualis Amazonidum nudatis bellica mamms ( El. XI V, l. III, v. 13.) Je me souviens que, pendant mon s�jour � Constantinople, on y parlait d'une jeune femme kurde qui avait acquis, dans l'antique contr�e des Amazones, une grande influence sur sa tribu : elle se montrait presque toujours � cheval, v�tue en guerrier, et n'en scandalisait que mieux les vieux sectateurs de Mahomet. Elle avait fait offrir � la Sublime Porte de d�barrasser les routes de ces hordes de d�trousseurs presque enr�giment�s, qui inqui�taient les caravanes de la Perse. Je citai ce trait � lady Esther Sthanope, puisqu'elle partageait les go�ts et portait le costume de l'Amazone : et la ni�ce de Pitt sourit � l'image de cette nouvelle h�ro�ne de l'Araxe, dont elle cherchait � reproduire sur les pics du Liban l'existence et l'autorit�. (11) P�lops. -- Allusion � la patrie de P�lops, la Lydie , si l'on eu croit Pindare, Λυδοῦ Πελοπος � (Olymp. I); mais cette origine est contest�e en faveur de la Paphlagonie , d'Ol�ne m�me , ville grecque, et surtout de la Phrygie dont Tantale, �tait roi. Or ce m�me Tantale �tait fils de Tmole, roi ou colline de Lydie, fils lui-m�me du roi Sipyle, le mont dominateur. Nonnos ici fait autorit�, et doit faire adjuger � la Lydie l'origine de P�lops ; car il arrive le dernier, et a d� choisir la meilleure des l�gendes. Quant � moi , je m'en tiens � la Lydie, et je dis avec Pindare : � Fils deTantale, les jours qui viennent apr�s nous apportent les plus v�ridiques t�moignages, et je chanterai de toi ce que n'ont pas dit nos anc�tres. � (12) Marathon. -- Marathon �tait consacr�e � Minerve et � Hercule, en l'honneur duquel la ville de Marathon , apr�s l'avoir v�n�r� la premi�re, institua des jeux publics ; les prix en �taient des vases d'argent remplis d'huile; et c'est pourquoi Pindare l'a nomm�e la grasse Marathon, καὶ λιπαρὰ Μαραθών (Olymp. XiV). (13) Pell�ne. Pell�ne, dont les laines renomm�es �taient donn�es en prix aux jeux Th�ox�niens, d�di�s � Apollon et � Mercure, est cette ville d'Acha�e qui se cache maintenant sous les noms barbares di Zakoli ou Blokob�. Voici les vers de Pindare que Nonnos a amplifi�s : ---- � Et il rapporte de Pell�ne de ti�des rem� parts contre la froidure des airs. � (Olymp. IX .) (14) Pal�mon. � Les jeux Isthmiques furent institu�s en 1326 avant notre �re : � L'enfant M�licerte, � dit Pausanias, � qu'un dauphin rapporta de la roche Moluride, o� Ino, sa m�re, s'�tait pr�cipit�e avec lui, fut appel� Pal�mon ; il re�ut de grands honneurs; et, sur l'isthme de Corinthe, o� le dauphin avait abord�, on voua des jeux Isthmiques � sa m�moire. �i (Paus., l. I, ch. 44.) (15) Podarc�. -- La harpie de Thrace, premi�re femme de Bor�e, n'est pas d�sign�e ici sous son nom particulier; mais elle devait sans doute s'appeler comme sa fille, Podarc�, aux pieds vigoureux. C'est peut-�tre la m�me harpie qu'Hom�re donne pour �pouse � Z�phyre, et dont le dieu a eu Xanthos, le blond, l'un des nobles coursiers d'Achille. Nunnos a l�g�rement alt�r� l'appellation hom�rique, et de Podarg�, aux pieds blanc, il a fait Podarc�. Enfin cette harpie, que Nonnos proclame la premi�re �pouse de Bor�e, habitait la Thrace comme lui et comme toutes les harpies dont elle �tait la reine : j'ai reconnu leurs retraites dans les rochers escarp�s qui cis�lent la c�te europ�enne du Bosphore, l'ancien royaume de Phin�e, entre Sari�ri et la pointe des Cyan�es. � Or , estoient les harpyes , oyseaux monstrueux, ayans visage de pucelles, les mains crochues, un ventre grand a merveilles, et une perp�tuelle faim. � (Muret, Sur le 1er livre des Amours de Ronsard.) (16) Le fouet ism�nien. � Figure po�tique pour indiquer les chevaux d'Act�on, n�s sur les rives du fleuve Ism�ne :
Qua fugit (S�n�que, Th�b. l. VI, v. 302.) (17) Neptune Hippios. C'est un des surnoms de Neptune cr�ateur et dompteur du cheval :
Neptunus equo, si certa prlorum (Stace, Th�b.,l. VI, v. 302.) � O fils de Saturne,� � s'�crie Sophocle, � c'est . toi, roi Neptune, qui nous as apport� cette gloire. C'est toi qui as su dresser les coursiers sous ton frein r�gulateur. (Soph., OEdipe � Col., act. II, dernier vers.) (18) Minerve, guide des coursiers. -- La qualification d'Ἱπποσόα que Nonnos donne � Minerve, Pindare l'avait appliqu�e � Diane (Olyrnp. Ill , v. 67), et partout ailleurs il en fait un attribut sp�cial du sexe masculin. Les deux po�tes auraient-ils donc pressenti le r�gne de nos agiles �cuy�res, � qui la noble �pith�te sied mieux que les autres attributs de Minerve ? car nos cirques qui �talent leurs prodiges laissent douter encore si elles sont de bien sinc�res �mules de Diane et de Pallas. (19) Les �cuyers. � Les hommes qui excellent � conduire un char dans la carri�re n'avaient pas autrefois en fran�ais de nom po�tique, comme nous le prouve cette c�l�bre p�riphrase de Racine, efficace remontrance � Louis XIV. Je ne leur en connais pas encore dans notre langue augment�e, si ce n'est enrichie, malgr� tous nos exercices et nos �tudes hippiques , et il y a tout lieu de croire que le terme vulgaire de cocher, restera sans synonyme; car, le chemin de fer faisant journellement perdre au cheval de voiture quelques-uns de ses avantages , on pourrait penser que le progr�s sera tout au profit du cheval de selle ou de l'�quitation. Adieu donc cette science du char, qui eut l'honneur de se m�ler � la politique dans les convulsions du Bas-Empire ! Quoi qu'il en soit, j'ai d� faire subir au mot �cuyer une extension dont madame Dacier et l'Hippodrome de la barri�re de l'�toile, � Paris , m'ont donn� l'exemple ; et cette ressource ne m'a pas sauv� de la n�cessit� de le r�p�ter bien souvent pour d�crire noblement et clairement � la fois ces jeux de l'ar�ne antique.
J'eusse dit homme de cheval, (Scarron.) (20) Ruse d'�rechth�e. - Il n'y a gu�re lieu de s'�tonner des contestations qui s'�l�vent sur la l�gitimit� du succ�s d'�rechth�e, au lieu d'Agamemnon qu'Idom�n�e prend pour arbitre en pareille rencontre (Il., XXIII, 406). J'en appelle au Jockey-club : n'est-ce pas l� ce qu'on appelle en mauvais fran�ais tricher ? Il n'�tait pas permis � �rechth�e de toucher les chevaux de son rival , et il a beau invoquer la sage Minerve, il a, pour me servir des expressions m�mes de Nonnos, m�l� un peu trop de ruse � sa prudence. Il avait, ce me semble, enfreint les lois de la lutte, et mieux encore, le serment qui d�fendait d'user de supercherie et de fraude. Ce serment , les athl�tes le pr�taient devant la statue de Jupiter Horkios, c'est-�-dire le vengeur des perfidies. (Paus., liv. V, ch. 24.) Du reste, pour pr�venir en partie ces inconv�nients des jeux, les juges du camp, � Olympie, n'ouvraient le concours qu'� de nobles comp�titeurs :coutume r�prouv�e par le rh�teur Th�mistius. �� Il est,� � dit-il, � monstrueux aux habitants d'�l�e et de Pise d'�lever si haut leur olivier sauvage d'Olympie (οὕτω δή τοι ἀποσεμνύειν τὸν Ὀλυμπιακὸν κότινον), et de ne permettre la lutte qu'� ceux qui peu vent attester leur p�re, leur m�re, et faire preuve d'une origine sans tache ; surtout quand il s'agit d'une �preuve physique, o� l'on ne devrait tenir compte que de la force et de la bonne constitution du corps. � (Disc. ler.) Certes on ne peut pas dire de ce s�nateur qui avait servi l'�tat sous sept empereurs cons�cutifs, qu'il �tait rest� l'ami des privil�ges. (21) Les lutteurs. -- Qui de nous, voyageurs orientaux, n'a vu dans les t�tes du Bayram � Constantinople, soit � l'ombre des platanes de Dolma-Batch�, soit aux bords du fleuve des Eaux-douces d'Europe, ces couples de lutteurs frott�s d'huile, dont un demi-cale�on de cuir noir cache seul les formes robustes , pareils en tout point aux athl�tes antiques que Ies cam�es, les peintures d'Herculanum ou les mosa�ques de Pmnp�ia retracent � nos yeux? De mon temps, � l'ombre du s�rail, les d�fis �taient de Turc � Turc et de Bulgare � Bulgare; mais, sur le continent asiatique et dans quelques fies de l'Archipel, j'ai vu les Hell�nes entrer en lice avec les Osmanlis, et se disputer les pris institu�s par les f�tes publiques. Dans les villages des montagnes, les ch�vres sont les r�compenses du combat ; dans les hameaux de la plaine, ce sont des brebis et leurs agneaux. Mais dans les villes de l'Asie Mineure, si le vainqueur est Grec, il re�oit un boeuf, un cheval m�me ; enfin, s'il est musulman, on lui donne un chameau, animal que l'islamisme r�serve en propri�t� aux enfants de Mahomet. (22) Le sable de la lutte. � Ce sable, qui emp�che les mains des lutteurs de glisser sur leurs membres frott�s d'huile, est un emprunt de Nonnos � Stace Αὐχμηρῇ ψαμάθῳ διερὴν ῥαθὰμιγγα καθαίρων. Tunc madidos artus alterno pulvere siccant (Stace, Th�b., ch. VI, v. 849.) (23) Les juges du camp. --- Voici comment Ercilla exprime l'intervention des juges da camp et la partialit� des spectateurs divis�s pour leur lutteur favori. N'a-t-il pas voulu retracer ainsi les combats de taureaux de sa patrie?
En esto los Padrinos se metieron, (Ercilla, Arauc, canto IX, st. 16.) (24) Le feu du disque. -- Le disque antique a donn� naissance � tous ces jeux de quilles et de boules qui sont toujours fort go�t�s dans nos provinces m�ridionales, o� il suffit de quelques cailloux et d'un chemin droit et large pour l'�tablir. C'est ainsi que j'ai vu pratiquer en Italie le jeu o� le fromage � forme ronde remplace le boule ou la pierre. Ce n'est pas qu'il devienne le prix du vainqueur ; mais c'est, assure-t-on, qu'a pr�s avoir roul� quelque temps, il vieillit mieux et devient plus succulent. Le disque �tait aussi le jeu favori des jeunes filles de Sparte. Missile nunc disci pondus in orbe rotat. (Properce, l. III, El. XIV, v..10.) A propos de l'ordre suivi dans les jeux fun�bre, j'ai remarqu� ce passage de Plutarque : � Chez Hom�re, � bon droit donc, l'escrime des poings proc�de ; la luicte est en second lieu, et la course en dernier. Parce que l'escrime des poings repr�sente le charger l'ennemi et se couvrir de lui, la luicte le harper et terrasser, et par courir, on s'exerce � fuir et � poursuivre, δρόμῳ δὲ μελετῶσι φεύγειν καὶ διώκειν. �i (Symp., liv. II, ch. 6.) Nonnos n'a pas tenu compte de ce raisonnement de Plutarque, puisqu'il d�bute par la course des chars, image de la fuite. Ces luttes de l'ar�ne �taient l'�cole des h�ros. � Ceux qui combattaient pour les plus nobles prix, comme les guerriers qui succombent pour la patrie, sont les plus heureux des hommes. Si on les pleure parce qu'ils sont mortels , on les glorifie et les po�tes les chantent, parce qu'ils ont conquis par leur vertu l'immortalit� : πενθοῦνται μὲν ὡς θνητοὶ, ὑμνοῦνται δὲ ὡς ἀθάνατοι. (Lysias , Disc.,XXXI.) (26) Imitation d'Hom�re. Il serait assur�ment trop futile, m�me apr�s tant d'autres futilit�s, d'�tablir, � l'exemple de Daniel Heinsius et � sa suite, un rapprochement minutieux entre le vingt-troisi�me livre de l'Iliade et le trente-septi�me des Dionysiaques. On comprend d'avance que le parall�le ne pourrait �tre favorable au po�te de Panopolis, m�me sous la plume de son traducteur; mais quand Heinsius reproche � Nonnos d'avoir conserv� l'ordre hom�rique des �preuves de la lice que le Smyrn�en, � son sens, a fort judicieusement interverti, je ne puis voir dans cette mauvaise querelle qu'un parti pris de d�nigrement. � Cointos, � ajoute-t il , �� a accompli tr�s purement, et m�me d'une fa�on fort raisonn�e, la reproduction d'Hom�re, et c'est � peu pr�s le seul de ses derniers successeurs qui sache gr�ciser; car Oppien, tr�s �l�gant po�te, bien souvent latinise... Le Calabrais exprime � ravir (suavissime expressit) et accommode � son usage l'admirable simplicit� d'Hom�re, que Nonnos regratte et falsifie (sophistice Interpolavit). � J'ai relu fort attentivement, pour complaire � Heinsius, ce quatri�me chant du po�me de Co�ntos de Smyrne, et je ne puis le mettre si haut, ni laisser Nonnos si bas. Ce dernier subtilise, il est vrai, sur la pens�e originelle, et poursuit dans tous ses replis l'imitation pour la modifier ou l'amplifier; mais le Smyrn�en ne fait que copier le grand mod�le, emprunter les formes , les locutions m�me du style primitif ; et son Iliade allong�e, mais non rajeunie, devait pr�senter � un si�cle raffin� la bizarrerie que nous offrirait de nos jours un prosateur �crivant comme Montaigne , ou un po�te comme Ronsard. Je reviens, en finissant, sur ma note (7), qui me para�t avoir besoin de commentaire. Le lecteur inattentif des Dionysiaques, apr�s y avoir vu les jeux fun�bres � la mort du roi Staphyle, a pu crier, il est vrai, � la rab�cherie, quand il vient de rencontrer encore des jeux fun�bres autour de la tombe du guerrier Ophelte. Et pourtant, avec plus de r�flexion, il aura observ� lui-m�me qu'apr�s Staphyle (le raisin), Bacchus, le dieu de l'inspiration, institue dans le po�me ces m�mes exercices de l'esprit, qu'on c�l�brait � Ath�nes sous le nom de Dionysia, le combat des po�les et les jeux du th��tre : ces luttes du g�nie , o� Platon se disposait � concourir, quand , charm� de Socrate qui y assistait, il se voua � la philosophie. Ici, au contraire, il s'agit uniquement de l'adresse et de la force du corps, appliqu�es � la guerre, et encourag�es par le capitaine conqu�rant. � |