Strat�gies et pratiques du mouvement nationaliste-r�volutionnaire fran�ais�: d�parts, desseins et destin d'Unit� Radicale
(1989-2002)
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Le Banquet,
n�19,
2004/1.
Domaine politique -
th�me extr�me droite.
Par Nicolas Lebourg
Le 14 juillet 2002, la tentative d'assassinat perp�tr�e par M. Brunerie � l'encontre du pr�sident de la R�publique devait,
tout � la fois, apporter au mouvement Unit� Radicale sa reconnaissance m�diatique et sa dissolution d�cr�t�e par l'�tat. L'objet
central d'UR �tait la r�solution du probl�me pos� par Dominique Venner dans Pour une Critique positive�(1962)�: comment organiser la tendance r�volutionnaire de l'extr�me droite (les nationalistes) et la faire participer au
leadership id�ologique et partisan de ce champ, et ce malgr� une �vidente faiblesse num�rique�? De sa naissance � sa mort, UR a ainsi
constituer un objet historique synth�tisant les dilemmes et �volutions de l'extr�me droite radicale.
De la p�riph�rie � la fraction
Secr�taire g�n�ral de Troisi�me Voie , Christian Bouchet affirme en 1989 aux adh�rents que deux voies s'offrent � eux�: soit ��se situer comme une aile/marge N-R
du FN�� y recrutant, soit ��s'affirmer comme un mouvement alternatif�� soutenant ��toutes les contestations (r�gionales, �cologiques,
sociales, populaires, etc.)�� et pour cela il faut ��rompre avec l'extr�me droite groupusculaire et r�actionnaire. [Quoique]
un travail sur les marges du FN – consid�r� comme un mouvement de contestation populaire de masse�– peut �tre mené » .
TV conna�t une scission, men�e par M. Bouchet, qui aboutit � la fondation de Nouvelle R�sistance (1991) . Celle-ci veut regrouper abstentionnistes, �cologistes, extr�mes gauches, extr�mes droites, r�gionalistes, etc., afin de
mettre en place le ��Parti du Peuple�� qui capitaliserait ces effectifs. Le mouvement affirme que le FN ne serait qu'un moyen
du ��Syst�me�� de d�tourner la protestation, il serait anti-social, cl�rical, philosioniste et pro-am�ricain, tandis que TV
maintenue autour de M.�Malliarakis est disqualifi�e en tant que ��petite clique de r�actionnaires liquidateurs�� . La scission est, en effet, officiellement motiv�e par la trahison id�ologique � l'encontre du nationalisme-r�volutionnaire
imput�e � M.�Malliarakis, de par ses contacts avec les milieux droitiers (FN et CDCA). C'est, en fait, ce rapprochement du
leader de TV qui emp�che son opposition interne de n�gocier sa propre adh�sion en bloc au FN et l'oblige � adopter cette position .
Devant ces difficult�s, NRE d�cide � son second congr�s de r�orienter ses efforts vers la d�bauche des �lectorats de Lutte
Ouvri�re, du PCF et du FN, en axant sa propagande sur les th�mes estim�s les traverser�: d�fense des ��petits��, caract�re
anti-d�mocratique du r�gime, rejet de l'immigration .
L'ambigu�t� strat�gique pr�vaut d'autant plus que, pendant ce temps, son �quipe dirigeante participe au journal Nationalisme et R�publique. Cr�� en 1991, celui-ci regroupe toutes les familles nationalistes et pr�ne l'organisation d'une tendance dure au sein et
� cot� du FN. Cet anti-lep�nisme n'est pas un positionnement r�dactionnel, mais le but m�me du journal, tel que d�fini par
le courrier pr�valant � sa fondation et adress� � divers cadres nationalistes . Alors qu'id�ologiquement, le titre se situe souvent en un cadre fort diff�rent de celui de NRE, les adh�rents de celle-ci
sont pr�venus que le journal doit ���tre consid�r� comme notre p�riodique et soutenu en cons�quence�� . D�s l'origine, un double travail est donc men�, � la fois hors du FN et œuvrant sur sa marge. NRE envisage ainsi de cr�er
un secteur p�riph�rique qui ressemble beaucoup � ce que sera UR�: sous le signe de la croix celtique, paraissant ind�pendant,
et dont le but est de s'assurer une position ��h�g�monique en province��, menant les meilleurs �l�ments � la structure-m�re .
Aussi cro�t une tension entre les ailes ��fascistes�� et ��progressistes�� du mouvement qui ne cesse de perdre ses militants�;
quant � ceux qui le rejoignent, ils sont � 75�% des n�o-fascistes . La crise perp�tuelle m�ne le secr�taire g�n�ral � annoncer peu apr�s sa lassitude, et sa d�cision de mener les affaires
courantes jusqu'au congr�s du 30�novembre o� prend effet sa d�mission . C'est l� le nœud qui m�ne � UR. En effet, des militants d�cident de ne pas attendre�: ils d�posent l�galement le nom du
mouvement et de tous ses principaux appendices et excluent la direction pour d�rive fasciste et ��collaboration avec la r�action
lep�niste�� . Ils proclament la fusion de l'organisation avec le Parti Communautaire National-europ�en .
Le congr�s de NRE-maintenue se d�roule toutefois et, devant l'adversit�, l'union du ��canal historique�� se reforme�: la motion
propos�e par M.�Bouchet, revenu sur sa d�mission et annon�ant qu'il remet son mandat en jeu sur la question de l'adoption
de son texte, est avalis�e. L'organisation consid�re que la ligne d'union de la p�riph�rie contre le centre est un �chec,
que les marques de gauche sont � abandonner au profit d'un repositionnement fasciste et d'une collaboration active avec le
FN passant par l'encartage dans ses rangs. Est d�cid�e la constitution, aux marges du FN, d'un p�le NR en appelant � l'unit�
de tous les nationalistes – car si la d�marche est consid�r�e n'avoir aucune chance d'aboutir, il faut ��faire croire en l'id�e
d'une unit� en marche��. La ligne id�ologique est synth�tis�e en ces termes�: ��En r�sum� “Moins de gauchisme, plus de fascisme�!”�� . Il s'agit bien d'essayer l'autre voie strat�gique consid�r�e d�s le document cit� de 1989.
L'unit� des formations nationalistes
Officiellement, NRE reconna�t dor�navant la possibilit� de double appartenance avec le FN�: les NR �volueraient donc vers
le FN car le FN aurait id�ologiquement avanc� vers eux par sa mue anti-am�ricaine et anti-cosmopolite. � l'�t� 1997, est annonc�e
la dissolution de NRE. Sont d�finis ��deux cr�neaux�: le radicalisme id�ologique et le combat culturel��. La strat�gie s'organise
en une triple perspective�: ��Radicale�: […] Notre ligne est dure, fasciste, r�volutionnaire. Unitaire�: [regroupant tous ceux qui] au sein du mouvement national [se disent] NR, NB, RC, radicaux, populiste, gaucho-lep�niste,
gauche nationaliste, etc. Transversale�: [est conserv� la ligne de] l'union de la p�riph�rie contre le centre�� en y int�grant cette fois le FN . L'organe change de nom et devient R�sistance�!, ses diffuseurs �tant rassembl�s au sein de l'Union des Cercle R�sistance (UCR).
UR na�t ainsi en 1998 en proclamant triomphalement qu'elle r�alise l'unit� des nationalistes, constituant la plate-forme commune
de l'UCR, de Jeune R�sistance et du GUD .
En f�vrier 1997, NRE barre toute la couverture de son journal d'un titre mobilisateur�: ��Une seule exigence�: L'Unit� des
Nationalistes-R�volutionnaires��. Jeune R�sistance lance dans son �dition d'avril un manifeste dit ��l'Appel des 31��. Le texte est pr�sent� comme �manant de ��membres de diverses
organisations, cercles et journaux�� qui, devant l'inexistence politique du mouvement NR, proposent ��la cr�ation de Comit�s
de base pour l'unit� nationaliste [devant] faire pression sur les actuels dirigeants pour qu'une dynamique unitaire se mette
en place��. � la suite de cette campagne basiste, fin 1997 sont pris des contacts avec les directions de l'ensemble de la
galaxie nationaliste�: GUD, Œuvre Fran�aise, PNF et PNFE . La strat�gie s'inspire �galement du mod�le trotskiste. Lors de la publication de Cet Etrange monsieur Blondel de Christophe Bourseiller, UR indique � ses cadres qu'il devait ��absolument �tre lu et m�dit� par nos adh�rents. Cet ouvrage relate l'histoire et l'action des trotskistes lambertistes. […] Le Collectif de coordination a la ferme intention
de s'inspirer de ce travail. Donc il faut s'en impr�gner et commencer � r�fl�chir […] � l'usage des “blazes”, � l'action “en
fraction”, aux strat�gies � plusieurs d�tentes…�� .
Structurellement, seul le GUD r�pond positivement � l'appel unitaire. N� en 1968 de la dissolution du mouvement Occident,
officiellement auto-dissout en 1981, il entretient une longue histoire avec l'id�e m�me d'unit� nationaliste. � l'origine
de la fondation d'Ordre Nouveau (1970), il m�ne parfois des listes communes avec d'autres formations aux �lections universitaires.
En 1985, il participe � la fondation de TV. Est alors clam� que ��L'Unit� nationaliste-R�volutionnaire est faite�� et que
��tous ceux qui se tiendront � l'�cart devront �tre tenus pour m�diocres, sectaires et aigris�� . Devant le caract�re fonci�rement provocateur du GUD, afin et de le canaliser et de pouvoir s'en d�solidariser, il est entendu
que celui-ci et la section lyc�enne ��sont des appellations strictement contr�l�es par le Mouvement��, mais qu'ils enregistrent
leurs propres adh�sions . Le GUD finit par rompre avec cette direction (1988) et attaque physiquement un de ses meetings (1989). Il se rapproche du
FN et participe, � partir de 1993, avec le FNJ et divers groupuscules, au syndicat nationaliste �tudiant frontiste. D'un n�o-fascisme
a-dogmatique il �volue vers des positions NR�: antiam�ricanisme, adoption de l'utopie d'une Europe f�d�r�e des r�gions mono-ethniques,
et assimilation de son combat � celui du peuple palestinien autour du slogan ��� Paris comme � Gaza Intifada�!�� (1995). Samuel
Mar�chal, ex-TV, gendre de M.�Le Pen et responsable du FNJ, tente de s'appuyer sur le GUD pour contrer M.�M�gret, mais le
GUD rejoint celui-ci et forme son service d'ordre (1997) afin de le prot�ger du service d'ordre du parti, le D�partement Protection
S�curit� .
Le GUD accepte la jonction � la suite des contacts pris par M. Robert. Ceci a surtout valeur symbolique�: c'est alors un groupe
quasi fant�me, mais dont le nom repr�sente une ��l�gende��. Par quelques violences, il refait parler de lui dans les media,
reprenant sa classique tactique de provocations publicitaires . Dans le m�me esprit, Jeune R�sistance devient un temps son organe et il y use d'un slogan typique�: ��La barre de fer comme moyen d'expression��. � la suite de
la partition du FN (d�cembre 1998-janvier 1999), il refuse de faire preuve du m�me enthousiasme m�gretiste que la direction
d'UR et lance un nouvel organe qui lui est propre, Jusqu'� nouvel ordre. UR met en place une s�paration fonctionnelle, usant du sigle GUD pour les actions violentes et de celui d'UDEN (Union des
�tudiants nationalistes) pour ses sections estudiantines officielles�; derri�re cette strat�gie peut s'�tre dissimul�e une
volont� d'encadrer le GUD-Paris au sein d'un mouvement comptant des sections provinciales moins anim�es de pulsions autonomistes.
Lors du conseil national d'UR du 18�d�cembre�2001, la tension est manifeste, puisqu'il est pr�cis� que l'appellation GUD appartient
� UR et que les vell�it�s d'ind�pendance de sections du GUD seront sanctionn�es par leur dissolution . In fine, le GUD reprend sa libert�, est las du m�gretisme d'UR, ��en a ras-le-keffieh des sionisteries des uns et surtout des autres,
et d�cr�te que �a a assez duré » .
Les cas du PNFE est li� � la tortueuse histoire des relations entre NR et n�o-nazis. Au sein des Groupes Nationalistes-R�volutionnaires
fond�s par Fran�ois Duprat en 1976 s'�tait r�alis�e la jonction entre les deux tendances. Apr�s l'assassinat de leur leader,
le dix-huit mars 1978, les GNR implosent et les n�o-nazis de la F�d�ration d'Action Nationaliste et Europ�enne (1966) qui
s'y �taient int�gr�s revendiquent l'h�ritage du mouvement, proclamant la fusion entre la FANE et les GNR. Quant aux NR, ils
se joignent � des rescap�s du solidarisme pour fonder le Mouvement Nationaliste R�volutionnaire.
Les deux mouvements connaissent un cycle de violence, le Mouvement Nationaliste R�volutionnaire voulant interdire � la FANE
de se revendiquer du nationalisme-r�volutionnaire, et exigeant que tout n�o-nazi quitte ses propres rangs afin de ne pas nuire
� son d�veloppement . La m�thode paye et la FANE se positionne d�s lors en un n�o-nazisme ostentatoire. Devant la d�liquescence de cette structure,
nombre de ses membres d�cident de rejoindre TV. Celle-ci les accepte � la base, tout en adressant � ses cadres une ��mise
en garde�� sp�cifiant qu'il s'agit d'�tre ��extr�mement vigilant vis-�-vis de ses nouveaux venus�� . L'exp�rience est d�licate et, quelques mois plus tard, il est cette fois pr�cis� aux responsables qu'il ne faut pas admettre
��dans nos rangs d'�l�ments provocateurs n�o-nazis et/ou skins. Le port d'uniformes, de brassards, de chemises noires ou brunes
est une cause d'exclusion�� .
Mais � son troisi�me congr�s, NRE d�cide de mettre fin ��� toute critique �crite vis-�-vis des autres composantes du mouvement
national (des cathos aux nazis en passant par les nationaux-lib�raux)�� . L'Appel des 31 obtient ainsi le ralliement des responsables francilien et perpignanais du PNFE. Le d�c�s de l'organisation
(1999) provoque un transfert de ses ex-militants vers UR. Les n�o-nazis rejoignent un mouvement qui leur est ostensiblement
ouvert et qui r�clame la gr�ce de Michel Lajoye, condamn� pour avoir commis un attentat raciste et qui a pris en prison la
carte du PNFE avant de devenir l'un des r�dacteurs du site d'UR.
Maison-m�re du PNFE, l'�quipe du PNF avait jadis particip� au sein du FN � l'union des nationalistes autour de Duprat. Elle
avait �galement, avec l'OF et le Mouvement Nationaliste R�volutionnaire, particip� � la fondation d'un mort-n� Regroupement
Nationaliste (1982) et est, depuis la moiti� des ann�es quatre-vingt dix, tr�s �troitement li�e � l'OF. Si elle d�cline l'offre
initiale, le d�veloppement d'UR la m�ne � s'en rapprocher. Apr�s avoir marqu� sa sympathie pour le GUD, le PNF manifeste avec
UR le 1er�mai�2001, adresse un message au solstice de Monts�gur d'UR et invite M.�Marsan, en qualit� de repr�sentant d'UR,
� son banquet nationaliste . Mandat� pour proposer l'unit� nationaliste au PNF, faisant de son local parisien et de Militant des biens communs, M.�Marsan pr�f�re le rejoindre et d�nonce cette strat�gie d'UR visant � l'h�g�monie derri�re l'appel �
l'union .
L'OF est la seule structure � n'avoir entretenu aucun contact probant avec UR, mais elle lui a fourni des membres d�s l'origine.
Ainsi, si UR n'a pas r�alis� la grande union qu'elle a pr�tendue, ne regroupant que les structures d�j� jointes et divisant
artificiellement NRE en UCR et Jeune R�sistance pour mieux faire croire en l'unit� en marche, elle a toutefois su, par la
suite, occuper la totalit� du terrain militant nationaliste. Cette tactique avait d�j� fait ses preuves dans l'histoire du
nationalisme fran�ais, puisqu'elle avait �t� utilis�e pour la formation d'ON, pseudo-rassemblement de tous les nationalistes .
Des groupes nationalistes-r�volutionnaires de base
La strat�gie d'UR suivit amplement celle mise en place par Fran�ois Duprat, lui m�me inspir� par les NR allemands. En cr�ant
ses GNR, de simples groupes coordonn�s � la lisi�re du FN, il exposait�: ��Nous devons savoir faire cohabiter une organisation
de combat et une organisation de formation et d'encadrement. Sans les SA, jamais le NSDAP n'aurait pu prendre le pouvoir,
mais sans la Politische Organisation�� les SA n'auraient eu aucun avenir . Il imposa � cette �poque le qualificatif de NR, afin de donner une commune �tiquette aux divers courants, d�signant leurs
communs ennemi (le complot juif au pouvoir) et adversaires (les gauchistes). Les GNR lui permirent tout � la fois d'effectuer
un travail de propagande inaccessible au FN et d'attaquer le rival PFN au nom de la puret� r�volutionnaire, tout en appelant
ses militants � œuvrer de concert � la base. Autour du terme ��radicaux��, en lieu et place de celui de NR, c'est la m�me
strat�gie qui s'impose�: tenter de r�aliser l'h�g�monie sur la mouvance nationaliste afin de peser sur le parti �lectoraliste
et d'y ramener les militants de la premi�re.
La premi�re difficult� est de ��vendre�� les d�combres de NRE au FN et ce dernier aux NR, apr�s leur avoir expos� durant des
ann�es que ce parti repr�sentait le comble de l'incurie politique. Le premier num�ro de R�sistance�! est un acte de si intense lepenophilie que lorsque UR choisit de suivre M.�M�gret, ce num�ro n'est pas mis en ligne sur le
site web du mouvement .
Les militants sont invit�s � se rendre � la manifestation FN du premier mai 1998, le contact avec le GUD devant permettre
d'y diffuser un tract co-sign� par celui-ci, Jeune R�sistance, et R�sistance�! L� aussi, c'est la d�finition de l'ennemi principal qui permet l'union des marges, le tract conspuant ��L'ennemi, qu'on l'appelle
ZOG, Big Brother, le Syst�me ou le Mondialisme��. Il affirme la compl�mentarit� des NR par rapport au FN�: ��Son combat �lectoral,
juste et n�cessaire, exige un certain recul, voire un silence de bon aloi, sur certains sujets historiques, anthropologiques
ou, tout simplement, politiques. Cette r�serve de discours n'est pas critiquable. � l'heure de la Grande inquisition, tout
ne peut pas �tre dit, � commencer par les v�rit�s, tout ne peut pas �tre fait, et notamment ce qui permettrait d'en finir��.
Sur ces th�mes ainsi que sur celui de la violence physique � l'encontre de la mouvance antifasciste et ��pour cr�er un p�le
radical au sein du mouvement national��, les signataires appellent � les rejoindre . En juin�1998, UR est officiellement cr��e, et M.�Robert proclame dans Jeune R�sistance ��qu'une phase historique de l'histoire du nationalisme r�volutionnaire vient de se terminer. [...] Nous voulions l'unit�,
nous avons eu l'h�g�monie��.
Si, d�s l'origine, telle devait bien s�r �tre la conclusion, les cadres de l'UCR furent les premiers � s'�tonner que leur
appel f�t effectivement entendu par la base d�s son lancement . Les cartes d'adh�rents � UR portent les noms des ��trois mouvements�� fondateurs, le membre choisissant auquel il se rattache�:
il s'agit donc d'une division symbolique qui offre, entre autres, le contr�le et la jouissance de l'�tiquette GUD. Celle-ci
marque la propagande�: alors qu'� l'origine les autocollants portent la croix celtique et/ou l'aigle national-bolchevique,
ce dernier dispara�t, car jug� ��trop �sot�rique��, au profit de la seule premi�re .
En ce qui concerne son fonctionnement interne, UR voulait r�aliser une ��communaut� militante�� et se revendiquait du ��centralisme
d�mocratique��. Le Conseil national est compos� par les Groupes de Base pr�sents � sa r�union annuelle, jouissant chacun d'une
voix par tranche de trois militants encart�s. Tout adh�rent peut y pr�senter une proposition mais les votes rel�vent d'un
double quorum�: 33�% des GB�+�50�% du Comit� ex�cutif. Ce dernier est �lu � chaque CN et chacun de ses membres est responsable
d'un secteur d'activit�: c'est une coll�gialit� d'ex�cution et non de direction.
Le r�sultat quantitatif doit se mesurer avec plusieurs facteurs. Le mouvement NR le plus dense fut TV, avec environ 250 encart�s.
En 1996, restaient moins de 50 militants NRE. UR se donne un objectif ambitieux�: atteindre les 400 adh�rents. Elle parvint,
non � atteindre cet objectif, mais � plus que tripler sa base initiale (entre autres par un patient travail de r�unions locales,
anim�es par ses responsables nationaux). Toutefois, il ne s'agit pas d'un �chec. D�s l'origine, le mouvement a connu un fort
�cart entre sa puissance militante et son halo de sympathisants, qu'elle situait fin 1999 dans une fourchette de quatre �
cinq mille personnes .
En somme�: a) l'organisation n'a pas eu le nombre fantasque d'adh�rents annonc� dans l'apr�s 14 juillet 2002, moment o� circula
le chiffre de deux mille membres�; b ) elle a su occuper la quasi-totalit� de l'espace nationaliste�; c) sa difficult� � faire
s'encarter les sympathisants est � prendre en compte en son �volution�: UR va offrir un discours id�ologique a minima dans l'espoir d'accro�tre les adh�sions.
Le proc�d� unitaire est r�utilis� cons�cutivement � la partition du FN. D�but 1999, les jeunes m�gretistes lancent un Front
de la Jeunesse. UR consid�re � son propos�: ��Nous ne pouvons pas nous opposer � ce Front ou le snober sans courir le risque
d'�tre � court terme marginalis�s. Par contre nous pouvons utiliser ce Front pour recruter et influencer�� . L'organisation expose qu'il s'agit d'unir � la base la jeunesse lep�niste et m�gretiste. L'op�ration est, certes, int�ressante
pour les m�gretistes qui esp�rent ainsi ��d�border les lep�nistes � la base [et] �touffer les extr�mistes en les embrassant�� .
Une seconde op�ration est tent�e�: le lancement en septembre 2000 d'une CoordiNation dite r�unifier � la base le mouvement
nationaliste en travaillant localement � des pactes de non-agression, � l'�dification de listes communes, � une action propagandiste
unitaire. Pour UR, cette structure ��doit d�multiplier notre influence et nous donner une caution de s�rieux. Attention donc,
il faut agir sous le nom de CoordiNation pour tout ce qui est politique interne aux forces nationales et Unit� radicale, Jeune
R�sistance et GUD pour ce qui est activisme et agit-prop�� . Le proc�d� e�t pu permettre � des membres d'UR d'obtenir des places sur des listes uniques FN-MNR. Il pouvait, surtout,
favoriser une d�stabilisation du FN au profit du MNR, et c'est bien cette perspective, par trop visible, qui a scell� son
�chec.
La strat�gie du r�seau de groupes de base s'est donc av�r�e ��pertinente�� mais non reproductible ensuite, car la scission
du FN transforme l'extr�me droite en champ de bataille et car le succ�s lui-m�me d'UR entra�ne une p�nurie de formations o�
d�baucher des militants aptes � l'encadrement pour donner l'image d'une action qui ne soit pas une manœuvre � pr�tention h�g�monique.
Un ��p�le de radicalité »
La volont� de cr�er un ��p�le de radicalité »ï¿½ aux marges du FN va avec l'affirmation de la neutralit� d'UR dans la lutte
fratricide, et la strat�gie ��italienne�� d'alliance avec les droites que pr�nent les m�gretistes est condamn�e comme une
d�viation de la cause nationaliste . Cette condamnation est destin�e � attirer les �l�ments ultra et, une fois le camp m�gretiste rejoint, cette strat�gie est
lou�e comme le seul moyen r�aliste d'acc�der au pouvoir. D�s l'origine, la direction d'UR pr�cisait�: ��Nous n'avons pas d'ennemi
au sein du mouvement national et nous ne critiquons en aucune occasion son aile dure et son courant m�gretiste�� .
UR a propos� ses services aux lep�nistes, mais de par la d�sorganisation g�n�rale du parti � cette date, n'a pu obtenir de
r�ponse satisfaisante�; elle a donc lanc� tout son poids dans l'aventure m�gretiste. Le bulletin de liaison sp�cifie lors
de la partition�: ��1- Nous ne devons pas compromettre l'�quipe M�gret en la soutenant officiellement. 2- Nous conseillons
� nos membres adh�rents au FN de signer l'appel au congr�s et si possible de participer � celui-ci. 3- [Si la crise aboutit
� un schisme�:] il serait imp�ratif que nos membres rejoignent la nouvelle structure et y occupent des responsabilit�s locales��.
Les probl�mes pos�s par un positionnement par trop m�gretiste ne sont pas sous-estim�s�: ce n'est pas ��notre pens�e r�elle��,
la lutte de concurrence est �pre avec les r�seaux de la jeunesse m�gretiste, et ��ce soutien serait sans doute plus nuisible
que profitable � M�gret��. L'action vis-�-vis du FN pers�v�re et, lorsque le FNJ tient congr�s peu apr�s la partition, les
militants d'UR qui y sont encart�s re�oivent un texte leur exposant la ligne � y d�fendre, et sont convoqu�s pour une r�union
pr�sid�e par M.�Robert .
Si le discours pr�sente les pratiques comme transversales, il s'agit bien d'un travail de fraction, d'une part, au sein du
FN au profit du MNR, d'autre part, au sein du MNR au profit d'UR.
Les relations entre les deux formations sont accrues dans la foul�e d'une rencontre entre leurs directions, d�but mai�2000.
Il est d�cid� que ��la clause d'exclusion pour appartenance � une autre structure politique pr�vue dans les statuts du MNR
n'est pas applicable � ceux adh�rant simultan�ment à » UR et au MNR, et que les militants d'UR ��figureront � des places �ligibles��
sur les listes aux �lections municipales . Dans la perspective des �lections pr�sidentielles, le choix para�t d'autant plus justifi� que circule �galement chez les
m�gretistes la rumeur selon laquelle l'entourage du pr�sident de la R�publique emp�chera M.�Le�Pen d'obtenir les cinq cents
parrainages n�cessaires � sa candidature.
Quand, en f�vrier 2002, le MNR organise son congr�s � Nice, l'union des deux formations est patente. La pr�paration de l'�v�nement
doit beaucoup � Fabrice Robert, responsable ni�ois du MNR�; Philippe Vardon, responsable de l'UDEN et membre du CE d'UR, est
interview� par France�2 en tant que responsable jeunes du MNR, Guillaume Luyt fait une intervention � la tribune et un stand
d'UR est install�.
Avant le congr�s, au si�ge du MNR, MM. M�gret et Bouchet se rencontrent. UR veut d�montrer qu'elle a eu un r�le significatif�:
��Celui d'un r�servoir militant pour les municipales et les activit�s militantes. [Elle] a �t� un sas permettant � des militants
du FN en d�saccord avec leur direction de se rapprocher du MNR en deux temps. [UR]a fix� la mouvance radicale en r�duisant
la base des forces centrip�tes et en limitant les dissidences. Nous occupons un espace large ce qui ne permet pas de d�velopper
d'autres groupes. De plus, en fixant la frange la plus radicale du mouvement national, UR emp�che au maximum les provocations
toujours possibles. [Avec UR, le] MNR s'assure de cadres jeunes et de militants dont le soutien actif n'est pas � n�gliger
pour l'action de terrain. Dans le m�me temps ceux-ci ne sont pas officiellement au MNR ce qui lui permet �ventuellement de
se d�douaner et de ne pas compromettre ses relations avec des courants plus mod�r�s. [Cette] alliance n'est cr�dible que si
elle est concr�tis�e d'une mani�re forte […] c'est-�-dire par l'entr�e d'un ou deux dirigeants connus d'UR � l'�quivalent
du BP du MNR (avec un objectif fonctionnel s'occuper du travail en direction des milieux populaires)�� .
Selon UR, M. M�gret, lors de cette r�union, ��a remerci� notre organisation pour son action et valid� notre strat�gie � . M.�M�gret para�t accepter partiellement l'offre�: MM.�Bouchet et Robert sont �lus au Conseil national du MNR lors du congr�s.
Ils en sont exclus apr�s l'attentat du 14�juillet, o�, feignant la surprise, M.�M�gret argue que les statuts de son parti
interdisent la double affiliation.
Pr�c�demment, le 21 avril a vu la situation se transmuer. Le matin est diffus� un communiqu� qui annonce que M.�Bouchet abandonne
la direction d'UR � ses porte-parole, MM.�Luyt et Robert . En fait, il est pouss� vers la sortie par ces derniers et le choix de la date sert � �vacuer l'information. D�s le lendemain,
UR prend langue avec la direction du FN pour n�gocier sa participation � la manifestation du premier mai et affiche les n�gociations
sur son site web.
S'il en �tait besoin, cet �pisode t�moigne de la volont� d'UR de toujours trouver son avantage dans ses relations avec l'extr�me
droite parlementaire, n'h�sitant pas � changer de champion en une journ�e. Les contacts accept�s par M.�Gollnisch, lui-m�me
ant�rieurement attaqu� par UR pour avoir �pous� une femme qui n'est pas de ��race blanche��, souligne que le parti lep�nien
peut �tre plus magnanime qu'on ne le croit, et qu'UR peut esp�rer pouvoir se repositionner. Le climat entre responsables frontistes
et membres d'UR fut toutefois moins cordial que ce qu'ont affirm� ceux-ci. En affichant sur Internet ces contacts, en d�filant
bruyamment, UR semble avoir cherch� � forcer la main au FN, suivant le principe qu'elle avait jadis d�fini�: ��Rien ne nous
oblige � faire de la publicit� pour qui ne nous en fait pas, � moins que ce soit dans le but de le mouiller � nos c�t�s�� .
En fait, UR a rapidement d�cid� ce qu'elle devait annoncer haut et fort � la suite de sa dissolution�: proc�der � la formation
d'un v�ritable parti nationaliste et, pour cela, proclamer la n�cessit� d'une ��r�forme profonde de nos mentalit�s, trop souvent
port�es � la nostalgie ou au folklore�� .
Concurrences et congruences
Les alliances sont ainsi plac�es sous le crit�re de l'efficacit�. Souhaitant occuper tout l'espace radical, UR est affront�e
� la n�buleuse v�lkisch qui p�se d'un poids certain sur la marge et au sein du FN. Pierre Vial en est la figure centrale, ayant su f�d�rer les jeunes
ultra du parti, avant d'�tre limog� du FN en d�cembre 1998. Son association, Terre et Peuple, partage avec UR l'utopie de
l'�dification d'une Europe f�d�r�e des r�gions mono-ethniques. Alors que NRE nommait cette construction ��l'Eurasie��, UR
et TP reprennent le mot de Guillaume Faye, ��l'Eurosib�rie��, afin de sp�cifier que cet empire ne saurait �tre multiracial.
Malgr� les divergences (TP est n�o-pa�en et islamophobe, UR se veut la�que et philo-islamiste, etc.) les publics vis�s se
recoupent. Avant m�me le lancement d'UR, une rencontre s'op�re entre TP et l'ex-NRE. UR cherche � attirer � elle la mouvance,
demande � Guillaume Faye de r�diger son propre manifeste (ce qui ne se fit pas) et veut ��s'afficher avec des personnalit�s
telles que Vial, Faye […] en essayant de les faire collaborer � R�sistance�!�� .
UR tente un entrisme � TP afin d'y int�grer des militants aux postes de responsabilit�s . Si, pour sa propagande, TP est une sorte de club scout pseudo-intellectualiste, en m�me temps UR ne cesse de lui tendre
la main�: en 2000, M.�Faye tient meeting en son nom, M.�Vial est l'orateur d'une r�union commune aux deux formations, UR se
joint au solstice organis� par TP � Monts�gur (quoique ��f�ter le solstice en un tel lieu ne peut �tre que tr�s mytho�� 464 ). TP est le ��meilleur ennemi�� d'UR.
Mais le probl�me va survenir l� o� nul ne l'attendait�: sur le terrain id�ologique, dans les cons�quences de la Seconde Intifada
et du 11 septembre. L'un des membres de la mouvance v�lkisch, Alexandre del�Valle, m�ne une politique de s�duction dirig�e vers les milieux pro-isra�liens. Ses th�ses reposent sur l'id�e
que l'Islam est manipul� par les �tats-Unis afin d'emp�cher la naissance de l'Eurosib�rie. Celle-ci devrait donc se r�aliser
puis assurer, devant le monde musulman, son entente cordiale avec les �tats-Unis. Si leur prime r�ception fut positive au
sein d'UR, le diff�rend est publiquement affich� par l'�ditorial du site web, � la suite d'une conf�rence de M.�del�Valle
pour TP o� il e�t encens� le Likoud et pr�n� l'alliance entre nationalistes et sionistes. UR ne va cesser de pourfendre ses
th�ses, arguant qu'elles ram�nent les extr�mes droites � leur philosionisme pr�-Duprat et qu'elles tendent � d�placer la question
de l'immigration du fait racial au religieux .
Les th�ses arabophobes sont d'autant moins rejet�es initialement qu'elles parviennent � UR par le biais de M.�Faye. L'id�ologue
publie en 2000 un ouvrage sur la Colonisation de l'Europe par l'immigration islamique et la n�cessit� de l'�dification de la ��Reconqu�te��. Pr�disant la guerre ethnique (vieux th�me
de Pierre Vial), il affirme que le pro-islamisme par anti-am�ricanisme n'est plus d'actualit�. L'accueil est favorable�: UR
reprend le vocable du livre (��ethnomasochisme�� et ��fracture ethnique��), M.�Faye est longuement interview� dans Jeune
R�sistance pour expliquer l'�volution de son analyse du philo-islamisme � l'Islam comme ennemi principal, et Fraction, le groupe de
rock de Fabrice Robert (tr�s populaire chez les jeunes nationalistes), publie un album Reconquista et un titre Islam hors d'Europe. Si le groupe pr�cise qu'en sa pens�e l'immigration est d'abord un effet du capitalisme, qu'il est un ��esclavage mondial��
et ensuite seulement une ��colonisation��, l'influence se r�v�le toutefois sans ambages .
D'o� l'apparition, semble-t-il, d'une tension au sein d'UR entre la tendance dirigeante, pour laquelle les ennemis principaux
sont les �tats-Unis et le mondialisme, et une partie de la masse militante qui se convertit aux ��nouvelles�� th�ses.
Lors du CN d'UR de d�cembre 2002, cette tension se rel�ve clairement dans les motions adopt�es, soulign�e par les jeux de
langage�: ��L'ennemi prioritaire des peuples europ�ens est le syst�me occidental��, d�fini comme la mondialisation n�o-lib�rale
dont ��la coalition am�ricano-sioniste [est la] v�ritable incarnation���; les Arabes sont dits �tre des immigr�s comme les
autres, devant tous �tre rapatri�s avec leurs descendants naturalis�s, les islamistes pouvant �tre ��dans certains pays et dans certaines conditions� � des alli�s ��contre l'imp�rialisme am�ricano-sioniste�� .
Il importe de pr�ciser que, tout au long du texte, ce n'est plus l'auto-d�finition de NR que se donne UR, mais celle ��de
nationaliste et identitaire��, t�moignant de l'�volution id�ologique via la taxinomie . In fine, UR �volue en mai 2002 � une ligne ��ni keffieh, ni kippa��, estimant que l'antisionisme radical est trop complexe pour une
base militante obnubil�e par l'Islam et l'immigration nord-africaine.
Propagandes et id�ologie(s)
C'est la question de l'id�ologie et de la strat�gie du nationalisme en France ces derni�res ann�es qui est r�v�l�e par la
probl�matique ��identitaire�� dans le discours d'UR. Celle-ci a conserv� la langue (inspir�e de la r�volution conservatrice
allemande) et les concepts NR, mais en une perspective ethniciste�: le ��Syst�me�� organise la ��colonisation�� de l'Europe�:
il faut mettre en place la ��r�sistance�� contre les ��Kollabos�� pour assurer ��l'Europe aux Europ�ens���; cette derni�re
formule ne se r�f�re plus � la doctrine Monroe, comme ant�rieurement, mais au paradigme indo-europ�en, au substrat racial.
UR profite ici du repositionnement du FN qui, pour se d�marquer du MNR, affirme alors la possibilit� d'une France pluriethnique
et met en avant un nouveau cadre, Farid Smahi, d'origine maghr�bine. UR affirme qu'il s'agit d'une trahison et abandonne toute
r�f�rence positive � la question de la Nation au profit de son total d�mant�lement en r�gions mono-ethniques f�d�r�es dans
l'Eurosib�rie. Il s'agit de contourner la probl�matique universaliste r�publicaine en affirmant que si, certes, tout un chacun
peut devenir fran�ais, la qualit� r�gionaliste repose sur une origine ethno-culturelle qui interdit toute assimilation . L'utopie g�opolitique devient ainsi une arme rh�torique dirig�e vers les milieux militants pour leur d�montrer le ��cosmopolitisme��
frontiste.
Le caract�re tactique de ce virage est d'autant plus attest� qu'avant les attaques tr�s violentes contre M.�Smahi, i.e. avant la partition du FN, UR publia un long entretien avec lui . La nomination de M.�Smahi au bureau politique du FN a servi de pr�texte en de multiples occasions. M.�Luyt, responsable
du FNJ, ayant vilipend� le schisme m�gretiste et ayant �t� brocard� par UR , souhaitait �tre nomm� au BP frontiste�: reproche fut donc fait au FN de pr�f�rer un ��beur�� � un ��Fran�ais de souche��.
Exclu de la direction du FN, M.�Luyt affirme ensuite avoir d�missionn� pour protester contre ce geste. C'e�t �t� le d�clencheur
pratique d'une �volution id�ologique, entam�e par la lecture de La Colonisation de l'Europe, qui, selon lui, l'e�t men� � int�grer UR en 2001 .
Cet �pisode est r�v�lateur du mode de fonctionnement de l'organisation�: une souplesse tactique extr�me, l�gitim�e par l'affectation
d'une rigidit� doctrinale en ce qui concerne l'immigration. Pour la direction d'UR existe en effet une bible strat�gique�:
le livre de Nonna Mayer, Ces Fran�ais qui votent FN
. Cette analyse permet � UR de ��d�finir une cible prioritaire�: la jeunesse populaire x�nophobe��. M�me lorsque les militants
tractent, il leur faut le faire ��en conformit� avec notre cible�: choisir de pr�f�rence les zones d'HLM et les lyc�es techniques
et professionnels��.Y consacrant son �nergie propagandiste, UR consid�re trois ans plus tard avoir acquis ��une certaine influence
parmi la jeunesse prol�taire blanche�� .
Cependant, le souhait de capitaliser la mont�e des sentiments racistes au sein de jeunes au faible capital culturel repr�sente
un co�t id�ologique .
En 1997, il n'�tait certes question que de droitiser le discours ant�rieur. Mais les cartes sont vite brouill�es, car si le
choix du titre de l'organe et de son logo est une r�f�rence au Widerstand (R�sistance) de Niekisch, c'est bien plus l'influence du Resistance am�ricain, fond� en 1994, qui se fit sentir. Organe de la maison de disques Resistance records, tous deux form�s par le groupe musical RAHOWA (pour ��Racial Holy War��), ce titre n�o-nazi est � l'origine de l'essor de l'acronyme ZOG, entit� devant laquelle il appelle au passage au terrorisme. Li� � Combat 18 (18 pour AH, i.e. ��Adolf Hitler��), une ��internationale�� skinhead, il a renouvel� l'approche du rapport musique-politique en arguant que
la premi�re devait amener des personnes a priori non racistes � s'engager politiquement aupr�s de la mouvance nationaliste .
Les r�f�rences au n�o-nazisme am�ricain sont courantes sur le forum d'UR, signe d'une forte pr�sence n�o-nazie dans un mouvement
qui ne l'est certes pas et qui est men� initialement par des NR . La direction doit donc s'adapter � sa cible militante. RAHOWA est interview� et tr�s favorablement pr�sent� . Les tee-shirts qui sont vendus pour financer UR portent des textes tels que ��O� White Power��, ��White Aryan Resistance��
(nom d'un groupe am�ricain), etc.
La duret� des sentiments racistes provoque une profonde �volution. Ainsi la violence n'�tait-elle lou�e par NRE qu'en tant
qu'arme � utiliser contre l'�tat lorsque se ferait jour la crise r�volutionnaire. Avec UR, la violence � l'encontre des militants
antifascistes est vant�e et la violence raciste est tr�s favorablement pr�sent�e dans sa presse. Le champ lexical pour cela
utilis� est celui du nationalisme-r�volutionnaire, mais il est d�plac� sur une th�matique id�ologique qui, dans la qu�te de
la structuration h�g�monique de l'extr�me droite extra-parlementaire, m�ne UR dans une fuite en avant dans l'id�ologie de
la guerre ethnique, parcours symboliquement entam� par le tract de fondation assimilant ZOG et Syst�me .
L� aussi, l'�volution est grande depuis le temps o� Fabrice Robert distribuait dans les banlieues des tracts n�gationnistes
r�dig�s en arabe, ou, avec des militants tout � la fois maghr�bins et communistes, contre la Guerre du Golfe . � l'�poque, les NR consid�raient que ��des rapprochements/collaborations avec des cercles arabes ou musulmans anti-imp�rialistes
(a priori les futurs facteurs de d�stabilisation du Syst�me) sont probables et souhaitables. Dans ce cas, on insistera sur un discours
ethnodiff�rencialiste�� . Toutefois, pour toucher les militants potentiels et orienter leur id�ologie, le soin apport� � la contre-culture a �t� constant
de la part d'UR.
R�volution culturelle
UR n'a cess� de clamer que la moiti� de son travail politique s'effectuait dans le combat culturel populaire. Si cette perspective
s'organise en citant Gramsci et le ��gramscisme de droite�� n�o-droitier, UR para�t plut�t s'inspirer de Resistance et de l'histoire du mouvement skinhead .
Personnage-clef de cette politique, musicien et infographiste, Fabrice Robert a obtenu une ma�trise de science politique avec
pour sujet d'�tude la propagande nationaliste via la musique. Il la conclut ainsi�: ��Internet se pr�sente, � ce titre [pour la diffusion de l'id�al identitaire], comme le
vecteur id�al pour la cr�ation d'un vaste r�seau relationnel dans lequel la musique est partie prenante�� . Il s'agit l� d'une d�claration de programme que devait suivre son auteur.
Apparu en Angleterre en 1982, le RAC y est une courroie de transmission du National Front au sein de la jeunesse skinhead, puis il s'auto-structure avec Blood and Honour, qui en appelle � l'unit� skin et est proche de C�18. La th�matique centrale est la guerre ethnique et le complot juif mondial
de m�tissage des races.
Proche de l'ex-FANE, se cr�e en 1986 le premier skinzine politis�, anim� par une cellule qui reprend le nom de GNR et en appelle
� l'unit� skin. En 1987, est fond� Rebelles Europ�ens, d'ob�dience n�o-nazie, qui devient le second label d'Europe et reprend
le symbole du Schwarze
Front d'Otto Strasser (1931)�; cet embl�me est ensuite utilis� par Fraction, Jeune R�sistance, mais aussi par NRE et UR. Le responsable du label milite au FNJ, � TV, puis se lie au PNFE. Int�ress� � la sc�ne skin d�s
1986, TV n'est pas non plus indiff�rent au th�me de l'unit� skin et tente de la r�aliser � son avantage, elle aussi en faisant
r�f�rence � Duprat, avec la fondation des Jeunesses Nationalistes-R�volutionnaires (1987), puis avec son label. En sa premi�re
phase, NRE refuse le contact avec le RAC et est le premier mouvement r�ellement engag� vers l'indus et le black metal. Elle produit un fanzine ��ind�pendant��, Napalm Rock, consacr� aux musiques ��metal�� et se penche avec int�r�t sur les potentialit�s politiques du mouvement techno. Ce n'est
qu'apr�s son second congr�s, changeant sa ligne, que NRE lance Jeune R�sistance en tant que skinzine. Faut-il voir une cons�quence du th�me de l'unit� skin dans le fait que ce soit dans Jeune R�sistance et non dans Resistance�! que fut publi� l'Appel des 31�?
Fraction participe au lancement de la sc�ne RIF (Rock Identitaire Fran�ais), un mot qui appara�t en 1997 et est un faux-ami
puisque le RIF recouvre la totalit� des genres musicaux. L'objectif affich� du RIF, loin de la provocation du RAC, est d'amener
de nouvelles personnes aux id�es nationalistes, devant �tre � l'extr�me droite ce que des groupes comme les B�ruriers noirs
ou Zebda sont � l'extr�me gauche. Il est en ce sens aussi un moyen ��d'ouvrir�� l'esprit des nationalistes � la r�alit� sociale
qui les entoure.
UR cr�� deux labels (Europa Records et Martel en t�te) et M.�Robert coordonne Bleu-Blanc-Rock, label fond� sur des groupes
militants, jouissant d'un mat�riel de propagande propre. BBR r�alise deux op�rations embl�matiques�: la production d'une cassette
de RIF vendue dix francs et dot�e d'un visuel politique neutre, ��vendue � plus de 5�000 exemplaires […] devant les coll�ges,
les lyc�es et dans la rue, profitant d'�v�nements tels que la f�te de la musique��) et d'un CD �Antimondial��, vendu deux
euros .
L'autre pan de cette activit� est l'importance accord�e � Internet. Le site d'UR, dont le webmestre �tait M.�Robert, se voulait
au centre de la ��galaxie faf�� du web. Il comptait pr�s de 60�000 pages visit�es par mois au printemps 2002 . Il proposait, entre autres, un forum, des chroniques hebdomadaires, des revues de presse th�matiques, un imposant annuaire,
une mise en ligne d'une partie de la presse NR, des tracts et des textes de Strasser � t�l�charger, l'actualit� d'UR… Pouvait
aussi s'y trouver le catalogue de la maison d'�ditions de M.�Bouchet, les cent-cinq publications pouvant �tre directement
command�es, dont Programme d'Unit� Radicale et Unit� Radicale, questions et r�ponses �dit�es en janvier 2000, class�es en rubriques ��Fascisme et nationalisme-r�volutionnaire italien��, ��Fascisme international��,
��R�volution conservatrice et nationalisme-r�volutionnaire fran�ais��, ��National-bolchevisme allemand et R�volution conservatrice��,
��National-socialisme��, ��Evola et paganisme�� et ��Divers��.
L'une des phrases les plus importantes du document pr�alable � la fondation d'UR est rest�e lettre morte�: elle �non�ait que
la formation devrait �tre ��une structure de cadres qui impose � ses membres une discipline financi�re (pr�l�vement), id�ologique
et strat�gique qui n'est pas discutable�� . C'est constamment sur la question du manque de cadres de qualit� qu'a butt� UR, connaissant l� le probl�me permanent de
la mouvance NR depuis son origine. Conform�ment � une tradition de celle-ci, UR se voulait strat�giquement ferme et tactiquement
souple. Ces deux donn�es l'ont men�e � concentrer ses efforts m�tapolitiques et politiques sur la jeunesse raciste � faible
capital culturel, afin d'en user au sein du champ de l'extr�me droite comme arm�e de manœuvre au profit des d�cisions de la
direction. Cette conception relevait d'une analyse politique ��pertinente��, servie par une intense �nergie propagandiste,
mais a �galement d�bouch� sur ��l'affaire Brunerie��. Elle para�t avoir abouti � une intensification des contradictions internes
et � une r�duction de l'id�ologie et de la strat�gie � la tactique. UR, de sa pr�-conception en 1989 � sa dissolution en 2002,
pose ainsi radicalement le probl�me de l'histoire des NR�: d'une part, l'�l�ment ��histoire des id�es�� et ��histoire des
mouvements�� y est particuli�rement tributaire de l'histoire des cadres et de leurs interactions avec les extr�mes droites
parlementaires�; d'autre part, les indications initiales sont biais�es, en raison des difficult�s qu'elles rencontrent devant
un milieu militant et sympathisant qui peine � suivre les impulsions de son encadrement.
Le Banquet,
n�19,
2004/1.
Domaine politique -
th�me extr�me droite.
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